Communiqué du Comité Laïcité République

Signes religieux au travail : la Justice de l’UE tranche en faveur de la laïcité (CLR, 15 oct. 22)

16 octobre 2022

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), dont le siège est à Luxembourg, vient de rendre, ce 13 octobre, un arrêt de principe (n°C-344/20) important sur la question du port de signes religieux sur les lieux de travail, qui confirme ses jurisprudences antérieures et va dans un sens conforme à l’interprétation laïque que nous en faisons.

Cet arrêt a été rendu après que le recours d’une femme de religion musulmane devant des juridictions belges ait été renvoyé à la CJUE pour une question préjudicielle. Celle-ci, candidate spontanée à un emploi dans une société gérant des logements sociaux en Belgique, s’est vu refusée à la suite d’un entretien où elle avait indiqué qu’elle refuserait de retirer son voile pour se conformer à la politique de neutralité promue au sein de ladite société et inscrite dans son règlement intérieur.

La disposition centrale de l’arrêt est claire (§33) :

« Une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port de tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail n’est pas constitutive d’une discrimination directe « fondée sur la religion ou les convictions », au sens de cette disposition, dès lors qu’elle vise indifféremment toute manifestation de telles convictions et traite de manière identique tous les travailleurs de l’entreprise, en leur imposant, de manière générale et indifférenciée, notamment, une neutralité vestimentaire s’opposant au port de tels signes. »

Notons que la Cour précise (§50) aussi que la directive 2000/78, sur laquelle se basait la plaignante, « permet de tenir compte du contexte propre à chaque État membre et de reconnaître à chacun d’eux une marge d’appréciation dans le cadre de la conciliation nécessaire des différents droits et intérêts concernés, aux fins d’assurer un juste équilibre entre ces derniers ».

Ce qui laisse la marge de manœuvre nécessaire à l’application du principe de laïcité en France, y compris dans les entreprises privées, non sans avoir rappelé au préalable sa jurisprudence antérieure (§40) :

« La simple volonté d’un employeur de mener une politique de neutralité, bien que constituant, en soi, un objectif légitime, ne suffit pas, comme telle, à justifier de manière objective une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions, le caractère objectif d’une telle justification ne pouvant être identifié qu’en présence d’un besoin véritable de cet employeur, qu’il lui incombe de démontrer. »

On notera aussi que la Cour se refuse à opérer une distinction entre les termes « convictions ou religion » qui figurent dans la directive 2000/78, alors que le Code du Travail français l’ayant transposée n’a retenu que les « convictions religieuses ». Ainsi, la cour indique (§§ 55 et 62) : « Dès lors que le motif de discrimination que constituent « la religion ou les convictions » couvre tous les travailleurs de la même manière, une approche segmentée de ce motif, selon l’objectif poursuivi par la règle concernée, aurait pour conséquence de créer des sous-groupes de travailleurs et de porter ainsi atteinte au cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail mis en place par la directive 2000/78. »

« L’article 1er de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que des dispositions nationales assurant la transposition de cette directive dans le droit national, qui sont interprétées en ce sens que les convictions religieuses et les convictions philosophiques constituent deux motifs de discrimination distincts, puissent être prises en compte en tant que « dispositions plus favorables à la protection du principe de l’égalité de traitement que celles prévues dans [ladite directive] », au sens de l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci. »

Un arrêt de principe qui fait le point sur tous ces sujets de manière claire et circonstanciée [1].

Cet arrêt concerne le secteur privé ; il conforte a fortiori l’application en France du principe de laïcité dans le secteur public, et tout particulièrement au sein de l’enseignement public. Au moment où l’on commémore l’assassinat de Samuel Paty et où la loi de 2004 est l’objet d’une contestation, semble-t-il orchestrée, la volonté politique de la faire respecter ne doit pas souffrir d’exception ; cet arrêt démontre, entre autres, qu’aucun obstacle juridique ne s’y oppose.

Comité Laïcité République,
le 15 octobre 2022.

[1Pour disposer du texte complet de l’arrêt, se reporter à ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre).


Voir aussi dans la Revue de presse les rubriques Travail, Europe (note du CLR).


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