Revue de presse

Patrick Kessel : "La République laisse s’effriter son socle" (fait-religieux.com , 6 jan. 13)

A propos de “Ils ont volé la laïcité”, de Patrick Kessel (éd. Gawsewitch-Balland). 8 janvier 2013

"Comment, au cours de ces vingt ou trente dernières années, la République a-t-elle défendu la règle essentielle qui fonde l’histoire de France depuis le XIXe siècle, à savoir la séparation des Églises et de l’État ? A-t-elle été ferme sur la défense de valeurs universalistes des Lumières et des Droits humains ou s’est-elle laissée séduire par des notions, très mode à partir des années 1980, telles que le droit à la différence ou le respect des traditions quelles qu’elles soient ?

Patrick Kessel, avec énergie mais très simplement revient sur les discours politiques, de droite comme de gauche, et sur les décisions prises ou reportées par des élus, nos élus, de plus en plus sensibles au discours autour du soi-disant « vote communautaire ». Il n’a pas la prétention dans cet ouvrage de faire œuvre d’historien, il ne nous entraîne pas aux temps anciens de la IIIe République pour nous faire découvrir le combat laïque d’un Clemenceau, d’un Émile Combes ou d’un Aristide Briand. Il se contente de rafraîchir notre mémoire à propos des travaux de la commission Debré (novembre 2003) ceux de la commission Stasi (décembre 2003), revient sur le rapport dit Obin des inspecteurs généraux de l’Éducation nationale (2004) à peine diffusé, ou sur celui du Haut conseil à l’intégration (2011). Des réflexions aussi vite imprimées qu’oubliées, donc jamais traduites en décisions politiques.

La Droite comme la Gauche en prennent pour leur grade, les Sarkozy comme les Jospin, les Duflot comme les Besancenot, le MRAP, SOS Racisme comme la Ligue des droits de l’homme.

Que ce soit lors de la première affaire autour du voile, à Creil en septembre 1989, ou plus récemment à propos de la crèche Baby Loup (2012), Patrick Kessel constate : la droite a oublié - sauf Jacques Chirac, pour qui l’auteur exprime un certain respect pour sa fermeté -, qu’elle était, au moins depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, républicaine et laïque ; quant à la gauche, estime t-il, elle bredouille tandis que son « ultra gauche » recherche sans fin son « prolétariat perdu » du côté d’une émigration toujours victime du colonialisme éternel.

Et de tout ce magma informe surgit, aux yeux de l’auteur, une mise en accusation de la loi de 1905 qui se cache sous différentes formes d’expression de la modernité. Certains imaginent « un nouveau pacte laïque », d’autres veulent « moderniser la laïcité », construire « une laïcité positive », « une laïcité ouverte », et même « une laïcité saine ». Les mots ne manquent pas, ironise Patrick Kessel, pour annihiler la loi de 1905, comme si elle avait failli ou était désuète face aux nouvelles réalités.

Or pour l’ancien dirigeant maçon, la loi de séparation des Églises et de l’État demeure le socle qui permet de faire face positivement au modèle communautariste anglo-saxon, de contrer l’offensive tout azimut contre le principe de l’universalité des droits humains, et de résister aux pressions politico-religieuses aussi bien des courants musulmans qu’évangélistes, aussi bien du judaïsme orthodoxe que des différentes expressions du catholicisme intégriste. Pour Patrick Kessel, une nouvelle bataille de la laïcité s’engage contre ceux qui aspirent à une transformation radicale des sociétés centrée autour du religieux. Et dans ce contexte, il n’est pas question, pour ce militant laïque, « d’acheter » la paix sociale en négociant en permanence avec les communautés ethno-religieuses ; il n’est pas question d’autoriser les collectivités locales à financer, sous couvert d’associations culturelles, des lieux du culte ; pas question non plus de créer, comme envisagé sous la présidence du « papiste » Sarkozy en 2009, un collège des communautés au sein du Conseil économique, social et environnemental, « troisième instance de la démocratie après l’Assemblée nationale et le Sénat ».

On l’aura compris, Patrick Kessel bataille pour un sursaut laïque contre la transformation de l’État républicain en ce qu’il nomme « un système libéral-communautaire ». Après trop d’années de léthargie et de frilosité, le moment lui semble venu de redonner vie au combat laïque pour faire face à l’éclatement sociétal en mouvement."

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