“Sarkozy enterre la laïcité au Vatican” (L’Humanité, 20 déc. 07)

21 décembre 2007

"Il est des « ruptures » que Nicolas Sarkozy est plus prompt à prendre en compte que d’autres. Celle avec l’Église, actée en 1905 par la loi de séparation de l’Église et de l’État, n’est pas encore digérée par ce représentant de la droite néoconservatrice. En acceptant, aujourd’hui, d’être intronisé « chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran » (1) au Vatican par le pape Benoît XVI, le président de la République française administre les derniers sacrements à la laïcité. Ce faisant, il marche dans les pas de Charles de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac... « Rupture » ? Avant lui, seuls Georges Pompidou et François Mitterrand avaient refusé l’hommage, contraire à la conception française de la séparation de l’Église et de l’État. Rien d’étonnant à ce que Nicolas Sarkozy, lui, l’accepte : il a multiplié les gages de bonne foi envers la religion, ne cessant de magnifier « 2 000 ans de chrétienté ».

inquiétante conception de la laïcité

Fervent partisan d’une « adaptation » de la loi de 1905 pour permettre le financement des associations cultuelles, Nicolas Sarkozy développe depuis plusieurs années une inquiétante conception de la laïcité, substituant la « liberté de religion » à la « liberté de conscience ». « Je continuerai à plaider avec force, mais sans prosélytisme, pour l’instauration de nouveaux rapports entre les religions et les pouvoirs publics », écrivait-il dans La République, les religions et l’espérance, un plaidoyer en faveur de la prise en compte du « fait spirituel » et de « l’importance de la question religieuse », paru en 2004. Ces orientations politiques ont trouvé leur traduction dans le rapport sur « les relations des cultes avec les pouvoirs publics » remis au ministre de l’Intérieur, en septembre 2006, par Jean-Pierre Machelon. Entre autres réformes préconisées par ce rapport : la possibilité, pour les collectivités, de participer directement et sans plafonnement au financement de la construction d’édifices religieux. Officiellement, de telles « adaptations » de la loi de 1905 visent un aggiornamento législatif rendu selon lui indispensable par le développement en France de religions comme l’islam et, surtout, le christianisme évangélique. En réalité, Nicolas Sarkozy entend faire jouer un rôle public aux communautés religieuses : gérer l’ordre social et combler le vide laissé par l’État minimal qu’il prépare.

Le Vatican se réjouit de la visite du représentant de « la fille aînée de l’Église ». Un rendez-vous « important », estiment les représentants de l’État religieux, compte tenu « des relations millénaires de la France et de l’Église ». Liens « étroits » que Nicolas Sarkozy n’avait cessé de souligner durant la campagne présidentielle, insistant sur son catholicisme et sur la part « déterminante » du christianisme dans « l’identité nationale » française. Et que, ministre de l’Intérieur et des Cultes, il cultivait, allant jusqu’à se signer lors d’une cérémonie religieuse, le 5 novembre 2004, lors de l’inauguration d’un méthanier sur les chantiers de Saint-Nazaire. Respectant certes la tradition chrétienne, mais pas la tradition républicaine.

(1) Du nom de la cathédrale de la capitale du catholicisme.

Grégory Marin et Rosa Moussaoui"

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