Revue de presse

"Samuel Paty : mécanique d’un attentat annoncé" (charliehebdo.fr , 4 déc. 23)

5 décembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Les dix jours qui ont tué Samuel Paty 2/2. La machine du terrorisme est en marche. Pendant que la polémique continue de s’enflammer sur les réseaux sociaux, un attentat se prépare. Mais Samuel Paty ne reçoit toujours pas de protection, et un soutien tout relatif de sa hiérarchie.

Lorraine Redaud · Coline Renault

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Lire "Récit. Samuel Paty : mécanique d’un attentat annoncé".

Lundi 12 octobre, commissariat de Conflans-Sainte-Honorine. Samuel Paty pousse la porte d’entrée, fébrile. La fatigue des derniers jours se lit sur son visage. Le matin même, la réunion dans la salle des profs a pris un mauvais tournant. Durant le week-end, un mail envoyé à l’ensemble des professeurs du collège a provoqué des émules : deux d’entre eux ont tenu à signifier qu’ils ne soutiennent pas leur collègue, l’accusant pêle-mêle « d’avoir altéré le lien de confiance […] avec les familles qui ont choisi l’école publique », de mettre « en danger l’ensemble de la communauté du collège » ou encore « de desservir la cause de la liberté d’expression ». En cette matinée grise du début du mois d’octobre, on s’écharpe dans cette petite pièce où d’ordinaire les cafés fument et les commentaires sur les élèves fusent. Certains pleurent, d’autres s’énervent. On parle d’exercer son droit de retrait, de possibles intrusions dans le collège. Las, après cette réunion animée, la journée a repris son schéma habituel : leçons, pause, café, leçons, pause, sortie.

Il est aux alentours de 17 heures quand Samuel Paty pénètre enfin dans le commissariat. Le professeur doit s’expliquer au commissariat après que Brahim C. et sa fille, Z, ont déposé plainte, le 8 octobre, contre lui pour « diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique », parce qu’il a montré le dessin de Coco représentant Mahomet nu. Samuel Paty se sait en danger. Conscient de n’avoir rien à se reprocher, il cherche tout de même à se protéger avec sa seule arme à disposition : la justice. À son tour, il décide de porter plainte contre la famille C. pour « diffamation publique ».

À ses côtés se tient la principale du collège, la même qui, dans la journée, a accueilli le référent laïcité de l’établissement pour une seconde visite. Après un état des lieux, ce dernier a exprimé une nouvelle fois dans un compte rendu sa très forte préoccupation quant à la situation en cours. Conscient du péril sécuritaire qui menace la communauté éducative en général et Samuel Paty en particulier, il fait remonter des informations qui, via la conseillère sécurité au rectorat, seront transmises au service départemental du renseignement territorial des Yvelines (SDRT). Le sujet n’est évidemment pas à prendre à la légère : les vidéos de Brahim C. et Abdelhakim Sefrioui ne cessent de faire des vues sur Internet, l’anonymat de Samuel Paty a été rompu, et une petite galaxie islamiste commence à s’emparer du sujet.

Parmi elle, on retrouve Priscilla M., plus connu sous le pseudo Twitter de « Cicatrice sucrée ». Amie avec la mère d’un des terroristes kamikazes du Bataclan et mariée religieusement à un détenu condamné à 14 ans de réclusion pour un projet d’attentat à Marseille, Priscilla s’intéresse de très près à cette « affaire ». Sur son profil Twitter, elle reposte la vidéo de Brahim C.,. Dans ses messages privés, elle discute avec « Al Ansar tchétchène 270 », désormais tristement connu sous le nom d’Abdoullakh Anzarov, le tueur de Samuel Paty. Dans le téléphone de ce dernier, les enquêteurs trouveront la trace d’une note créée ce jour-ci : « Collège Bois d’Aulne 78 700 Conflans-Sainte-Honorine. Mr Paty Professeur d’histoire géographie. »

Des menaces et pas de mesures
Le lendemain, quelques dizaines d’heures à peine après la plainte déposée par Samuel Paty, le SDRT se veut rassurant. Au rectorat, les enquêteurs écrivent que la situation n’a pas évolué, « les parents d’élèves ne semblant pas suivre le mouvement ». Pourtant, au collège, les appels et menaces anonymes ne cessent pas. Sur Twitter, Cicatrice sucrée et Al Tchétchène continuent d’alimenter mutuellement leur haine envers ce professeur, ce « voyou » comme l’a nommé Brahim C., qui n’a toujours pas été sanctionné, lui et tous ces autres « qui veulent vraiment éradiquer la foi du cœur des gens ».

Le DAASEN, directeur académique adjoint des services de l’Éducation Nationale, est de son côté plus pessimiste. Dans un rapport, il se dit « préoccupé par le montage de la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui » qui « témoigne selon lui par là d’une capacité inquiétante à construire un outil de communication viral vecteur de haine et susceptible de tomber entre n’importe quelles mains ». Pourtant… Rien. Aucune mesure de sécurité ou de protection ne sera prise. La solitude entourant Samuel Paty grandit. Brahim C. et sa fille, eux, ne se rendront pas à la convocation du commissariat pour donner suite à la plainte du professeur d’histoire-géographie. [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse la première partie "Samuel Paty : la dernière leçon du professeur d’histoire géo" (Charlie Hebdo, 29 nov. 23) dans la rubrique Assassinat de l’enseignant Samuel Paty (16 oct. 20) (note de la rédaction CLR).


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