Revue de presse

Samuel Mayol : « Face à l’entrisme religieux à l’université, il faut étendre les compétences du Conseil des sages de la laïcité » (lefigaro.fr , 10 sept. 24)

(lefigaro.fr , 10 sept. 24). Samuel Mayol, universitaire, Prix national de la Laïcité 2015, Secrétaire général du Comité Laïcité République. 30 septembre 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire « Face à l’entrisme religieux à l’université, il faut étendre les compétences du Conseil des sages de la laïcité ».

Le Conseil des sages de la laïcité joue un rôle essentiel pour promouvoir et défendre le principe de laïcité dans l’Éducation nationale. Les missions de ce conseil sont claires et salutaires : « Le Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République est tout à la fois une instance de conseil et d’orientation pour la politique éducative en faveur de la laïcité et les principes républicains, un organe d’élaboration et de production de ressources et un lieu de conception et de conduite d’actions de formation. Le Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République a pour vocation de préciser la position de l’institution scolaire en matière de laïcité et d’enseignement laïque des faits religieux ».

Depuis sa création le 8 janvier 2018, ce conseil est très actif et permet à l’institution de scolaire d’avoir des réponses aux questions quotidiennes qui se posent aux enseignants, proviseurs et personnels administratifs. Mais ce conseil, qui est directement attaché au ministre de l’Éducation nationale, n’a que l’enseignement primaire et secondaire dans son champ d’action. L’université n’est, malheureusement, pas dans son champ de compétence.

Or, force est de constater que la laïcité fait face à de nombreux défis dans l’enseignement supérieur. Les entraves à la laïcité et plus largement les questions relatives à la laïcité sont nombreuses aujourd’hui au sein des universités.

On assiste, en effet, aujourd’hui, à une recrudescence des phénomènes religieux au sein des universités françaises et à la montée de tendances communautaristes. Des tentatives pour faire de l’université un lieu de culte ou tout du moins un lieu adapté au culte sont régulières : contestation de certains enseignements présentant des théories jugées contraires à certaines religions, refus de participer à des enseignements spécifiques (comme la pratique du sport obligatoire dans certaines formations), demandes spécifiques à ce que les emplois du temps tiennent compte des contraintes religieuses, demandes d’ouverture de salles de prières, détournements de locaux affectés à des associations étudiantes pour les transformer en lieux de prière, refus exprimés par des étudiantes que les interrogations orales soient menées par des examinateurs mais exigent des examinatrices, etc.

Dans la plupart des cas, les collègues confrontés à de telles situations se retrouvent bien seuls. Les faibles soutiens apportés à la communauté universitaire montrent à quel point, à tous les niveaux de l’État et du monde universitaire, cette question, certes sensible, n’est en réalité pas abordée avec l’importance qu’elle mérite et le courage qu’elle nécessite. Tout semble nous faire croire qu’on n’a pas évalué ou qu’on ne veut pas évaluer l’ampleur de la situation.

Il est essentiel de bien comprendre à mon sens que l’enjeu de ce qui se passe actuellement au sein des universités est clairement celui de lutter contre un entrisme religieux qui ne date pas d’hier. Toutes les religions ont compris l’importance pour elles d’investir l’université de diverses façons afin d’y répandre leurs idéaux. Il convient donc de rester attentifs face à la montée en puissance de l’obscurantisme religieux qui menace actuellement la société en la fragmentant et en la divisant.

Il est aujourd’hui nécessaire d’appeler de nos vœux une laïcité combative et opiniâtre, sûre de sa force et de ses valeurs, une laïcité dont la science est la meilleure arme et la plus fiable pour faire face aux mystifications et aux fanatismes religieux de tous bords.

Et l’université devrait être à l’avant-garde de cette logique scientifique et académique car son rôle est précisément de valoriser la recherche et uniquement la recherche. Tous les enseignements dispensés se fondent sur des recherches académiques reconnues en leur temps par d’autres universitaires. Renoncer à cet idéal revient à prendre un risque létal pour la cohésion nationale. C’est dans l’enseignement supérieur que se joue pour une bonne part l’avenir de la société et de l’économie. L’université est, ou doit être toujours davantage, une chance pour le développement des savoirs fondamentaux, pour la recherche, pour notre rayonnement international, pour notre développement économique.

Nos universités et nos grandes écoles ont été longtemps des lieux dans lesquels et grâce auxquels l’ascenseur social fonctionnait. Elles ont largement contribué au rayonnement scientifique de notre pays.

Alors qu’on évoque l’émergence d’une « société de la connaissance », nos universités, plus que toute autre institution, doivent être le vecteur de cette cohésion républicaine, car elle s’adresse précisément à des adultes. À l’instar de ce que déclarait Nelson Mandela, « l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ».

C’est pour cela que ces enjeux spécifiques doivent retenir toute l’attention du gouvernement. Le contexte universitaire nécessite soit la création d’un conseil des sages de la laïcité pour l’enseignement supérieur, soit l’extension des missions du conseil des sages existant aux problématiques de l’enseignement supérieur. Cette deuxième proposition aurait l’intérêt d’assurer une cohérence dans la politique éducative de notre pays sur ce sujet essentiel.

Le conseil des sages étendu pourrait appréhender toutes les situations complexes et y apporter des réponses adaptées dans le respect du cadre légal et des valeurs républicaines. Les universitaires, présidents, vice-présidents, chargés de missions, enseignants, chercheurs, enseignants-chercheurs mais personnels administratifs et techniques pourraient ainsi être accompagnés dans la gestion de situations complexes liées à la laïcité.

Au-delà de ces bénéfices spécifiques, l’extension des missions du conseil des sages de la laïcité à l’enseignement supérieur permettrait d’assurer une application cohérente et effective du principe de laïcité sur l’ensemble du système éducatif français, de l’école primaire à l’université. Cela contribuerait à renforcer la protection de ce principe fondamental de notre République, garant de la liberté de conscience et de l’égalité de traitement de tous les citoyens.


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