Revue de presse

"Salman Rushdie et la jeunesse iranienne : une même pulsion de liberté" (A. Shalmani, L’Express, 16 fév. 23)

Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine. 20 février 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Lire "Salman Rushdie et la jeunesse iranienne : une même pulsion de liberté, par Abnousse Shalmani".

"Il est vivant ! abîmé mais vivant ! A l’occasion de la sortie américaine de son nouveau roman, Victory City, Salman Rushdie a accordé une interview au New-Yorker, parue le lundi 6 février [1]. On y découvre une photo portrait puissante, la première image du maître du réalisme magique après l’attentat islamiste dont il a été victime le 12 août dernier, qui lui aura coûté un œil et une main. Si Rushdie confesse subir un stress post-traumatique qui l’empêche d’écrire depuis – "je me mets à ma table, et rien ne se passe. J’écris, mais c’est un mélange de nullité et de néant, j’écris, et le lendemain j’efface tout. Je ne suis pas encore sorti de ce pétrin-là, vraiment pas" –, il a gardé son sens de l’humour, en postant, le lendemain de la parution de l’article, une photo de lui au quotidien, accompagné du commentaire "la photo dans le New-Yorker est dramatique et puissante, mais voici, plus prosaïquement, à quoi je ressemble".

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This photo seems to have vanished from my tweets. Here it is again, just for the record. pic.twitter.com/nqt34gIuRW

— Salman Rushdie (@SalmanRushdie) February 7, 2023

Dans le même temps, nous parviennent les images des résistantes iraniennes - celles qui manifestent, refusent le voile et la tenue réglementaire -, que les gardiens de la révolution visent dans les yeux et les parties génitales. Ces femmes éborgnées choisissent de "décorer" avec une fleur ou un cœur leur œil perdu, et postent leurs photos le sourire aux lèvres. La résistance de Rushdie et celle des Iraniens se confondent dans un mouvement irrépressible pour la liberté.

Il existe un lien fort entre Salman Rushdie et l’Iran qui ne tient pas seulement à la fatwa émise par l’ayatollah Khomeyni, le 14 février 1989, contre l’écrivain pour blasphème, afin de redorer son image, de retrouver un leadership abîmé par la guerre Iran-Irak, pour se présenter comme le garant de l’honneur du monde arabo-musulman. Trente-quatre ans après la fatwa, la littérature de Rushdie est le mode d’emploi de la lutte des Iraniens contre les barbus et les corbeaux. Son choix de ne pas sacrifier sa littérature à la fatwa, de ne pas réécrire Les Versets sataniques ad nauseam, de préserver son bien le plus précieux, l’imagination, pour poursuivre son voyage entre Orient et Occident, creuser les liens entre la fiction et le réel, célébrer l’émancipation contre l’obscurantisme, résonne comme le cri des Iraniens qui réclament la singularité et la liberté contre le totalitarisme islamique. La littérature est un humanisme, et les Iraniens qui se cachent pour lire les romans interdits depuis quarante-quatre ans le savent mieux que la presse américaine.

Paradoxalement, alors que rares étaient les journalistes américains prêts à défendre l’écrivain après l’attentat islamiste du 12 août, le New York Times n’ayant même pas accordé un édito à l’événement, tétanisés qu’ils étaient par la peur de contredire les intolérants, la presse américaine est aujourd’hui dithyrambique à propos de Victory City, présenté par son éditeur comme un roman qui a pour mission de "donner aux femmes une place égale dans un monde patriarcal". [...]"



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