6 novembre 2015
"Printemps 1993. La gauche, déconfite par sa déculottée aux législatives, solde les comptes du mitterrandisme finissant. Tandis que le Parti socialiste dirigé par Michel Rocard engage sa mue sociale-libérale, au PCF, les appétits s’aiguisent à l’approche de la succession de Georges Marchais. Dans ce parti déboussolé par l’explosion du grand frère soviétique, deux camps s’affrontent : l’aile socialo-compatible, emmenée par Jean-claude Gayssot et Robert Hue, bataille avec une tendance patriote et antiaméricaine que représentent notamment Pierre Zarka et Henri Krasucki. Cette dernière sensibilité s’exprime dans les colonnes de L’idiot international, le journal foutraque de Jean-Edern Hallier, dont le rédacteur en chef, un certain Marc Cohen, publie le 11 mai un article de son camarade rouge Jean-Paul Cruse appelant à l’union des communistes et des gaullistes.
On ne retient généralement que le titre, « Vers un Front national », de cette philippique, sans comprendre que son auteur fait référence à la Résistance, d’ailleurs non sans traiter Jean-Marie Le Pen de « vieille pouffiasse blonde ». Consultée avant publication, la Place du Colonel-Fabien avait approuvé le contenu du texte malgré sa véhémence (« Quoi, la gauche ? Idées sucées, espoirs sodomisés, rêves violés… », écrivait Cruse). Quelques joyeux lurons de L’idiot, Édouard Limonov et Patrick Besson en tête, s’ébrouant aussi bien dans l’hebdo rouge Révolution que dans le très droitier Choc du mois, l’auteur de polars Didier Daeninckx lance une grande campagne pour discréditer et exclure du Parti ces dangereux « rouges-bruns » assimilés à des nazis.
Sommé de s’expliquer devant le Politburo parisien, Marc Cohen aura ces mots crus : « La vraie raison de toute cette agitation, c’est que la direction veut revenir à une alliance sans principes avec le PS. Être traités de fascistes par Georges Marchais, c’est presque un honneur [1]. » Et notre cher Marco de citer pêle-mêle « les médecins accusés lors du complot des blouses blanches », « Tito, Koestler, Orwell », ce qui le fait se dire « plutôt en bonne compagnie ». L’ancien candidat communiste à la présidentielle André Lajoinie a beau protester (« Franchement, Marc Cohen à la tête d’un complot antisémite, est-ce bien sérieux ? »), les suspects sont lâchés par Hallier puis épurés, leur poulain Zarka écarté de la direction avant que le très malléable Robert Hue ne succède à Marchais au congrès de janvier 1994. Trois ans plus tard, le PC participe au gouvernement Jospin, champion de France des privatisations. Sic transit gloria mundi."
[1] Cité par Elisabeth Lévy, Les Maîtres censeurs, Lattès, 2002.
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