Comité Laïcité République - La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une

Slimane (Sami Bouadjila) est représentant syndical dans une usine productrice d’aluminium. Comme beaucoup de ses semblables, cette usine a subi les affres de la mondialisation libérale. Changements incessants d’actionnaires pour des raisons économiques ou spéculatives, réductions de personnel etc… Le dernier patron en date est un fonds spéculatif qui s’est bien gardé d’investir dans l’usine et n’attend que la hausse des cours de l’alu pour revendre. Il y a cependant un obstacle à franchir : le renouvellement de l’autorisation des rejets, les fameuses boues rouges, très toxiques pour les hommes et l’environnement mais dont la direction affirme avoir pris toutes dispositions pour traiter cet inconvénient.

Slimane à vécu ces épisodes. Simple ouvrier immigré, il a franchi tous les échelons et personne, surtout pas les patrons, ne prendra une décision sans l’avoir consulté. Il n’a qu’une obsession, sauver l’usine et ses emplois, rejoignant en cela les autorités locales pour qui elle est un élément clé de l’économie régionale.

Sa fille, Nour (Zita Hanrot), est infirmière ; c’est avec l’accord sans réserve de la direction que Slimane la fait embaucher. C’est à ce moment que le film commence vraiment. La jeune femme, à peine entrée dans l’infirmerie, se rend compte que beaucoup de choses ne sont pas nettes : dossiers médicaux non tenus depuis quinze ans, maladies probables restées sans les investigations nécessaires, et surtout accidents du travail non déclarés. Slimane est au courant de tout mais il couvre ces manquements avec toujours le même motif : ne pas nuire à la réputation de l’usine.

La tension devient sensible entre le père et la fille, surtout quand elle commence à poser des questions de plus en plus précises, et donc gênantes, et quand elle se lie d’amitié avec une journaliste enquêtant sur l’impact écologique de cette industrie. Pour faire condamner l’exploitation, il faut des preuves, mais tous les dossiers sensibles sont devenus inaccessibles. C’est en recherchant la preuve que les boues rejetées sont particulièrement dangereuses que Nour se fera prendre et devra quitter son poste. Slimane est partagé entre le sentiment d’avoir été trahi et le fait de se dire qu’elle n’a peut-être pas tort. C’est en agissant à son tour qu’il va faire changer le cours des choses.

Rouge parvient à tenir le spectateur en haleine tant la qualité des acteurs donne tout son sens à cette tragédie écolo-familiale, c’est le digne représentant des films consacrés aux lanceurs d’alerte tel Erin Brockovich ou Park Water, espérant qu’il n’est que l’avant-garde d’une longue série française car nous avons besoin d’être alertés encore et encore sur le danger qui menace la vie même de l’espèce humaine sur terre.

A voir sans hésiter.

Gérard Durand