Revue de presse

Riss : "Tu trembles, carcasse  !" (Charlie Hebdo, 15 fév. 23)

Riss, directeur de "Charlie Hebdo". 16 février 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Tu trembles, carcasse  !"

"Un tremblement de terre où ­périssent plus de 30 000 personnes. Un dessin d’humour noir sur le site de Charlie, et voilà que la Toile s’enflamme. C’est l’expression qu’on entend presque chaque semaine : « la Toile s’enflamme ». Pour tout et n’importe quoi : « OM-PSG : la Toile s’enflamme pour le penalty non sifflé à Marseille »  ; « Jill Biden échange un baiser avec le mari de Kamala Harris, la Toile s’enflamme »  ; « Bella Hadid sait faire tenir son chignon sans élastique et toute la Toile s’enflamme ». La Toile aime s’enflammer, c’est ce qu’elle préfère par-dessus tout, car cela lui donne vie. Une Toile qui ne s’enflamme pas n’existe pas.

Avec un simple dessin, vous pouvez mettre le feu aux réseaux sociaux, qui n’attendent que ça, comme un buisson sec en pleine canicule, qui guette le mégot jeté dans sa direction. [...]

Qu’on s’interdise de faire un dessin satirique ne stoppera pas le mouvement des plaques tectoniques de cette ­région du monde. On peut cependant comprendre que cela choque, car le dénominateur commun de ces morts, c’est l’injustice. Personne ne devrait mourir ainsi. Personne, d’ailleurs, ne devrait être tué sans son consentement.

Si on devait écouter les esprits indignés, les caricaturistes ne devraient utiliser leurs crayons que pour affirmer haut et fort qu’il est inadmissible d’être tué par des catastrophes naturelles, des tremblements de terre et des tsunamis. Mais si dessiner devait se limiter à exprimer de telles évidences, cet art ne servirait plus qu’à glorifier ce qui est bien et à dénigrer ce qui est mal. Des images d’Épinal pleines de bons sentiments pour enfants de 5 ans.

Les dessins satiriques sur des catastrophes ont pourtant un intérêt : ils nous aident à sortir la tête des ruines et des gravats sous lesquels est ensevelie notre liberté de pensée. L’injustice d’un événement aussi terrifiant nous étouffe tellement qu’on cherche à lui échapper par tous les moyens, y compris par l’humour et le sarcasme. Contrairement aux idées reçues, l’humour noir n’est pas l’expression de l’indifférence ou du cynisme, mais, au contraire, celle d’un pessimisme lucide qui contredit l’optimisme obligatoire de nos sociétés modernes. [...]"


« Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener  ! », maréchal de Turenne, en 1667.


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