3 mai 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Tous roi d’Angleterre".
"Samedi verra le couronnement d’un nouveau roi d’Angleterre, un certain Charles III. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de voir un monarque se faire couronner. Un événement qui nous ramène à des pratiques « ancestrales », comme on dit, des trucs d’un autre âge tout droit sortis des livres d’histoire.
Nous pourrons donc regarder, en vrai, en tout cas sur nos écrans de télé, une couronne royale recouverte de diamants, un sceptre, des hermines, des objets en or et tout un bric-à-brac extravagant, aussi hors de prix que désuets. Mais les gens aiment ça, le pittoresque, l’anachronique, le solennel vieux jeu. Dans cette grisaille déprimante, un olibrius comme Charles, recouvert de breloques et de costumes pour drag-queen, fait figure de sympathique attraction de fête foraine.
Cette mise en scène de sa personne, si elle semble au premier abord ridicule, est dans l’air du temps. L’ultra-individualisme de notre époque met sur un piédestal le premier venu. Dans cette société nombriliste, tout le monde se prend pour un petit Charles III convaincu d’être le centre du monde.
La survalorisation de l’individu croise un phénomène inverse qui est celui de la banalisation revendiquée des dirigeants politiques. On se souvient de François Hollande qui voulait être un président « normal » et d’Emmanuel Macron qui réclamait d’être « à portée d’engueulade ». Proche du peuple, mais pas trop quand même, puisque, lors de la finale de la Coupe de France de foot, il s’est bien gardé de descendre sur le terrain de peur de se prendre des canettes sur la tête.
Si les dirigeants démocratiquement élus semblent tout faire pour désacraliser leur fonction, à l’inverse, les individus sans aucune légitimité particulière, qu’il s’agisse de M. Tout-le-Monde ou d’une fin de race assise sur un trône, demandent qu’on se prosterne devant eux. Devant un roi d’Angleterre, mais aussi devant n’importe quelle minorité, il faut s’incliner sans broncher et satisfaire leurs exigences.
L’autorité politique acquise par les urnes ne semble plus conférer aucun prestige et devient même suspecte, puisqu’il est de bon ton de la contester à la première occasion. La crise de la démocratie est celle de sa légitimité. Qui est légitime à diriger, à ordonner, à interdire, ou même tout simplement à s’exprimer ? Cette contestation des droits les plus élémentaires se manifeste dans tous les recoins de la vie. Énoncer ses convictions sur les réseaux sociaux vous expose à des tombereaux d’injures. Ne parlons même pas du droit de manifester ses doutes sur des questions sensibles comme la religion ou Dieu, car c’est la mort assurée.
Finalement, il n’est plus nécessaire d’être couronné roi ou élu président de la République pour soumettre ses semblables. Chacun de nous, derrière son smartphone, peut imposer sa volonté grâce à des menaces et des intimidations qui auront plus de conséquences sur la société qu’un décret royal ou une loi démocratiquement votée.
Charles III sur son trône ressemble à ces ours de foire exhibés devant la foule, qu’on fait se dresser sur leurs pattes arrière pour leur donner une silhouette vaguement humaine et qu’on fait asseoir sur une chaise comme un roi déchu qui n’a pas encore compris qu’il ne fait plus peur à personne. Les véritables rois sont ailleurs, dans la rue, à la tête d’entreprises, dans les lieux de culte ou sur les réseaux sociaux. La tyrannie des vieux monarques moisis n’a pas disparu, elle a juste changé d’aspect, changé de main, et s’exerce toujours sur le cours du monde, quoi qu’on pense, quoi qu’on vote."
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales