Riss, directeur de "Charlie Hebdo". 3 août 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[...] N’importe quelle institution qui aurait commis un génocide ou aurait participé de près ou de loin à des actes criminels verrait sa crédibilité et son aura à jamais détruites. Pas l’Église. Pendant des siècles, elle a fait occire ses ennemis, liquidé les déviationnistes, contraint les peuples colonisés à se convertir. Autant d’entreprises qui ont rabaissé l’être humain, et qui devraient l’inciter à une certaine humilité. Mais non, l’Église ne peut pas être humble, et si elle est acculée à se faire pardonner ses erreurs, elle ne le fera qu’avec arrogance et trouvera le moyen de s’en enorgueillir. En toutes circonstances, l’Église doit toujours triompher, car l’enjeu n’est évidemment pas spirituel – qu’est-ce que Dieu viendrait faire là-dedans ? –, mais politique. Rien ne doit affaiblir la position surplombante qu’elle a sur le monde, car la foi est avant tout un pouvoir, sur les gens, leur conscience et leur mode de vie. Et face à la puissance de l’Église, que pèsent Dieu et quelques milliers de gosses indiens ?
Le repentir et les excuses, on peut les comprendre entre deux individus qui se sont querellés, car les conséquences de leurs actes vont rarement au-delà de la sphère privée. Mais quand il s’agit d’institutions ou d’idéologies, dont les actions ont frappé des pans entiers de la société, seul un procès des responsables peut réparer leurs fautes en les sanctionnant. Quand elle veut imposer ses vues, l’Église se comporte comme une autorité politique impersonnelle et inaccessible, mais quand on la confronte à sa culpabilité, elle se métamorphose aussitôt en personne physique compatissante, sous les traits d’un pape. C’est une attitude très semblable à celle des tueurs psychopathes, qui se sentent tout-puissants avec leurs victimes tant que leurs crimes n’ont pas été mis au jour, mais qui, une fois entre les mains de la justice, prennent la posture du repentant, pour s’attirer l’indulgence du jury et de la société.
Sans une sanction, les repentances et les « pèlerinages pénitentiels » ne sont rien d’autre que des gifles supplémentaires infligées par l’Église à la face du monde. Après l’attentat du 7 janvier 2015, le pape François avait déclaré : « Il est vrai que vous ne devez pas réagir par la violence, mais même si nous sommes de bons amis, s’il maudit ma mère, il peut s’attendre à recevoir un coup, c’est normal. » Les gifles, l’Église n’est pas contre quand elles font taire les insolents qui la défient. Mais quand c’est au tour de l’Église d’être punie, personne n’a le droit de lever la main sur elle. Elle seule est autorisée à s’autoflageller pour ses fautes. Par ce procédé, ce n’est pas la justice qu’elle sert, mais son pouvoir qu’elle préserve. [...]"
Voir aussi dans la Revue de presse Le pape François demande « pardon » pour la politique « dévastatrice » envers les autochtones au Canada (lemonde.fr , 26 juil. 22) dans Pape François dans Eglise catholique dans Religions, églises,
le dossier Canada : autochtones dans la rubrique Canada (note du CLR).
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