Revue de presse

Riss : "Il ne reste plus à la gauche qu’à se désagréger autour de la dernière cause qui l’unissait" (Charlie Hebdo, 20 avril 22)

Riss, directeur de la publication de "Charlie Hebdo". 20 avril 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] En lisant ces lignes, des voix s’élèveront pour dire qu’il est hors de question de voter pour le président sortant. Plutôt laisser ­Marine Le Pen arriver à l’Élysée que donner son suffrage à Emmanuel ­Macron. Les tenants de ce discours, qui sont nombreux à gauche, manifestent une telle haine contre ce dernier qu’ils finissent par ne plus en exprimer aucune contre son adversaire d’extrême droite. Après avoir passé quarante ans à lutter contre la famille Le Pen, une partie de la gauche semble incapable de se renouveler sur cette question, alors elle s’est trouvé une cible de remplacement : ­Emmanuel Macron.

Quand on écoute des électeurs de gauche exprimer leur révulsion à son égard, on se demande si, pour exister, ils n’ont pas un besoin vital d’avoir en face d’eux un diable à détester. Chez eux, Macron a pris la place de Jean-Marie Le Pen, et l’anti­macronisme a remplacé l’antilepénisme. À leurs yeux, la réforme des retraites ou la baisse des APL de Macron sont aussi graves que le racisme et l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen. Loin de moi l’idée de donner des leçons à ceux qui ont cette vision des choses : il n’est pas question de leur faire la morale car, lorsqu’on a en face de soi des esprits qui raisonnent ainsi, il est inutile de gaspiller son énergie à convaincre les murs de briques qu’ils ont dans la tête.

Mais si Marine Le Pen gagne cette élection, ou plus exactement si son adversaire n’obtient pas la majorité des voix qui la mettrait en échec, et avec elle l’idéologie extrémiste dont elle est imprégnée depuis la création du Front national, en 1972, il faudra en tirer des conclusions. Qu’on rassure ceux qui ne se seront pas sali les mains en votant pour l’ignoble, l’infâme, le méprisant Macron, à côté duquel, à les écouter parler, Pinochet, Milosevi et Franco feraient pâle figure : leur jugement à l’égard de ceux qui auront voté Macron ne sera pas davantage légitime.

Car leurs petites leçons de morale à la con sur le macronisme – comme si on avait besoin d’eux pour savoir quoi en penser  ! –, ils pourront se les foutre au cul. Ce sera le début d’une autre époque pour la gauche, celle d’une nouvelle fracture violente, mais cette fois définitive.

La lutte contre le Front national a structuré et rassemblé la gauche depuis les années 1980. Si ce n’est plus le cas aujourd’hui, les conséquences lui seront fatales. Alors croisons les doigts pour que Marine Le Pen ne soit pas élue et que subsiste encore ce minimum commun à toute la gauche, afin qu’elle garde l’espoir de se reconstruire au moins autour du combat contre le Rassemblement national.

La gauche s’est déjà profondément divisée sur des questions comme celles du voile, de la laïcité ou de l’islamisme. Il ne lui reste plus qu’à se désagréger autour de la dernière cause qui l’unissait : la lutte contre l’idéologie du Front national, représentée aujourd’hui par la candidate Marine Le Pen. La gauche aura alors démontré une fois de plus qu’elle ne sert décidément plus à rien et qu’elle mérite de crever, que son cadavre chaud finisse dévoré par les chiens à la nuit tombée afin qu’on ne nous en parle plus jamais. [...]"

Lire "Le cadavre chaud de 20h01".


Voir aussi dans la Revue de presse tout le dossier Charlie Hebdo : "Dimanche, débarrassons-nous de ça !" (20 avril 22) dans la rubrique Elections 2022 (note du CLR).


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