Revue de presse

"Retour sur la tuerie" (J. Macé-Scaron, Marianne, 6 juin 14)

8 juin 2014

"Les meurtres perpétrés au Musée juif de Bruxelles ne peuvent pas, ne doivent pas être considérés comme des seuls faits divers. [...]

Et l’on voit des publicistes nous expliquer parallèlement que ces crimes proviennent entre deux camps soucieux de défendre un des acteurs du Proche-Orient. Foutaises. Un jour, si nous n’y prenons pas garde, si nous laissons se banaliser ces crimes, il deviendra même suspect de parler d’antisémitisme.

Le conspirationisme relève la tête. Les mêmes publicistes nous ont susurré à l’oreille, alors que le monde était encore sous le choc, qu’il se pourrait bien que « les deux touristes visés à Bruxelles travaillaient pour les services secrets israéliens ». Du coup — pourquoi ne pas continuer dans l’abjection ? — ce crime ne serait, bien sûr, qu’ « une manœuvre de diversion » nous dit le docte Tariq Ramadan. Certains prêcheurs ont apparemment abusé de la série X-Files. Nous voilà donc prévenus : un citoyen israélien qui meurt hors de son pays est un agent du Mossad, forcément, un agent du Mossad.

Et c’est reparti pour un tour de manège avec le « loup solitaire ». Cet élément de langage est apparu en mars 2012, en marge de l’affaire Merah et a été rapidement adopté par nos experts en exportologie. Divine surprise que ces deux mots qui permettaient de jeter un voile sur les lacunes patentes des services français, dûment ridiculisés. Des services plus préoccupés de politique et d’enjeux de pouvoir que de lutte contre le terrorisme. Lacunes dénoncées justement à l’époque par un certain Manuel Valls qui soulignaient, avec bon sens, que le djihadisme a ses filières, ses mosquées isolées, ses réseaux, ses camps d’entraînement et ses caches d’armes.

Or, aujourd’hui, la métaphore animalière nous est resservie par un Bernard Cazeneuve, devenu ministre de l’Intérieur à la suite d’un arbitrage « politique » digne de la rue de Solférino. Or, pas plus que Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche n’est un terroriste hors-sol. Rappelons juste qu’à peine sorti de prison, l’homme s’est envolé — avec quel argent, quelles complicités — pour la Syrie, afin de grossir les rangs de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe de combattants djihadistes lié à Al-Qaïda disposant même d’une brigade francophone. Un loup solitaire, c’est dur à accepter. Deux loups solitaires, c’est franchement impossible. Question à transmettre Place Beauvau : « A partir de combien de loups considère t-on qu’il y a une meute ? »"

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