Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine. 6 février 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Rapport sur le sexisme : quand le néoféminisme se tire une balle dans le pied".
"[...] A la lecture du deuxième baromètre annuel sur le sexisme du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et face aux réactions médiatiques parfaitement uniformes, je crains que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles n’achoppe sur les mêmes errements que la lutte contre l’extrême droite. Je passe sur le discours néoféministe qui amalgame l’antiféminisme à l’extrême droite, postulant que quiconque considère qu’Amber Heard a menti et que sa condamnation est légitime est un tenant du fascisme - d’ailleurs toute femme qui ne pleure pas avec Amber Heard est l’antéchrist, la subtilité étant ce qui manque toujours cruellement au militantisme et provoque invariablement sa chute.
Ce qui est surprenant dans la lecture de ce baromètre est l’ambivalence que dénonce le HCE à travers sa présidente, Sylvie Pierre-Brossolette : "Ce baromètre montre à la fois une opinion globalement acquise à l’égalité des droits, sensibilisée à la lutte contre le sexisme et les violences envers les femmes, et dans le même temps il révèle des comportements de sexisme très ancrés, en particulier chez les jeunes hommes." N’est-on pas là, justement, au cœur d’un cercle vicieux ? Lorsque du matin au soir et du soir au matin, dans les débats, à l’école, dans les campagnes de sensibilisation aux "VSS" (violences sexistes et sexuelles), vous entendez répéter que les hommes sont coupables car violents, sexistes, machos, il me paraît du niveau de première année de psychologie que les jeunes hommes se conforment à l’image qui est systématiquement renvoyée d’eux-mêmes.
Je sais bien, cher lecteur, que cet argument de "non, pas tous les hommes" me renvoie illico dans les limbes de l’antiféminisme primaire, mais ayant étudié l’histoire des femmes, c’est justement l’argument "toutes les femmes" qui les a maintenues si longtemps dans un statut d’infériorité sociale, politique, économique et culturelle qu’elles ont fini par intégrer. Les jeunes hommes étant systématiquement renvoyés à leur essence de mâle, sans espoir de s’en échapper, finissent par s’approprier ses codes - codes qui ne les définissent certainement pas. Les hommes plus âgés ont compris le truc, ils se montrent "sensibilisés" à la lutte contre les "VSS", et n’en pensent peut-être pas moins, se demandant quand même si le fait de commenter la tenue vestimentaire d’une femme relève de la violence sexiste alors même que les femmes regardent et commentent davantage la tenue des autres femmes… Faites un sondage maison autour de vous : demandez aux femmes et aux hommes de décrire la tenue d’une de vos invités. Il est probable que les femmes seront plus précises et auront la dent plus dure que les hommes.
La question de la pornographie occupe une large place dans le baromètre et me fait penser aux débats sur la nuisance des "jeux de rôles" qui poussaient - disait-on - les adolescents vers le satanisme et le suicide. Je me souviens encore des hordes de journalistes, à quelques pas de Jussieu où j’étais alors étudiante et une joueuse invétérée de Donjons & Dragons, devant un banal magasin qui vendait d’innocentes cartes à jouer devenues soudain le passe d’entrée de la violence. La pornographie a toujours existé, en témoigne les fresques antiques, le problème est l’accès des trop jeunes à ces images, mais surtout la criminalisation de la (saine) sexualité qui se répand dans des discours bigots dignes du XIXe siècle et censés éviter les violences qu’ils provoquent justement."
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