Revue de presse

Rachel Khan : « Le discours victimaire des pseudo-antiracistes m’est insupportable » (lefigaro.fr , 12 mars 21)

Rachel Khan, écrivain, juriste et actrice. 16 mars 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Rachel Khan, Racée, éd L’Observatoire, mars 2021, 160 p., 16 e.

"Juriste, scénariste, actrice et écrivain avant d’être femme, noire ou juive, Rachel Khan refuse toute assignation à résidence identitaire et victimaire. Dans son nouvel essai, Racée (L’Observatoire), elle se moque des nouvelles idéologies « décoloniales » et « intersectionnelles » qui, sous prétexte d’antiracisme, ne font, selon elle, qu’alimenter les ressentiments."

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"[...] Je suis issue d’un mélange entre une mère juive polonaise et un père sénégalais et gambien d’origine musulmane mais animiste au départ, avant l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest. Racée, ce terme délicatement ancien du dictionnaire, est aussi évidemment une réponse espiègle au mot « racisé » dont l’élégance s’est perdue en chemin. [...]

Je suis décontenancée par l’usage de ce terme « racisé » que j’entends très souvent depuis 2-3 ans. C’est insupportable, cet essentialisme qui enferme les individus dans une identité-discrimination au nom de la lutte pour l’égalité. C’est complètement contre-productif et délétère de porter la haine qui appartient à l’autre en soi. Quand on fait de son mieux chaque jour pour s’en sortir, ce mot est d’une violence rare, il heurte parce qu’il enferme au lieu de libérer, il ne propose aucune issue. Cette notion est irrecevable au regard des droits fondamentaux parce qu’elle assigne les individus à un statut inférieur, en revendiquant du fait de sa couleur de peau un droit à la victimisation. [...]

Je ne comprends toujours pas pourquoi il y a une crispation autour de la notion « d’assimilation ». Au-delà même de la question de l’intégration le terme « assimiler » signifie acquérir. L’assimilation culturelle ne vise pas à déposséder l’autre de ses racines, mais au contraire à lui permettre d’acquérir un supplément dont il pourra se nourrir. [...]

N’en déplaise à certains, je me sens l’inverse d’une victime. Je considère avoir énormément de chances mais ce genre de position ne crée pas le buzz. J’aurais sans doute fait une carrière plus médiatique si j’avais choisi d’être « entrepreneuse de la victimisation ». En tant que femme, juive, petite fille de déporté, noire et autres... je coche beaucoup de cases pour pouvoir m’indigner sur ma/mes conditions. Mais au fond, c’est une question de désir et d’estime de soi. Si je désirais être une victime, j’en serais une dans ma vie quotidienne. [...]

Nous avons des enfants, les générations futures dont il faut s’occuper. On ne va tout de même pas leur transmettre l’idée que dans la vie il faut absolument être une victime. Imaginez un enfant de 4 ans : « Bonjour je m’appelle Charlie, j’ai 4 ans, je suis racisé ». L’éducation démarrerait mal et les perspectives de cet enfant se retrouveraient très réduites. Mais c’est aussi l’objectif de ces idéologies : ne pas permettre l’égalité dès la naissance pour ensuite s’en plaindre. Je suis stupéfaite aussi que des personnes, alors que nous sommes en démocratie, s’octroient le droit de parler au nom des gens qui ont à peu près la même couleur de peau qu’elles. Dans notre système démocratique, je n’ai jamais voté pour que Rokhaya Diallo me représente. Pourtant, lorsqu’on me rencontre, les gens qui ne me connaissent pas pensent que je partage automatiquement sa vision des choses parce que pour eux j’ai la même couleur de peau. Je suis allée sur un plateau télé récemment pour discuter de l’islamogauchisme à l’université et un intervenant me dit gentiment « je crois que nous sommes dans le même camp ». Non, je ne crois pas, non... mais, à cet instant j’ai compris que je devais avoir des cheveux « islamogauchistes » ! [...]

Ces individus sont dépités que le mot « race » ne figure plus dans la Constitution. Ils auraient aimé pouvoir se raccrocher à cette notion pour accréditer leurs thèses. Ils vont donc réemployer un autre mot assez proche qui est « racisé ». Nous ne sommes pas dupes. Les individus qui emploient le terme « racisé » ont une nostalgie du mot race, une nostalgie des ghettos. Ils ne sont pas nés au bon endroit, ni à la bonne période. Ils auraient adoré être en Alabama dans les années 50. Pas de chance, ils sont en France et en 2021 ! (rires). Cela révèle une faille narcissique et paranoïaque mais surtout une dérive et une incohérence idéologique. Ils pointent du doigt « l’entre-soi » alors même qu’ils prônent la « non-mixité » et sont les premiers à mettre en œuvre ce qu’ils reprochent aux autres. En utilisant ces nouveaux mots et ces nouveaux codes, ils se persuadent que le racisme d’État, tel que l’Apartheid en Afrique du Sud, est une réalité en France. Avec leur faille paranoïaque, ils se sentent offensés par n’importe quel propos. [...]

Lorsque je pointe mon attachement à certaines choses qui font l’universalisme, la République, l’État de droit et notre démocratie, tout de suite, je suis traité, comme d’autres, de « nègre de maison », de « bounty », etc. C’est intolérable et d’une violence inouïe lorsque l’on pense que ces principes font notre liberté. [...]

L’écriture inclusive constitue un frein à la liberté d’expression. Vous imaginez si on traduisait tout votre journal en écriture inclusive, renommé pour l’occasion Madame Figara ? Par ailleurs, les journaux qui adopteraient l’écriture inclusive verraient probablement leur nombre de lectrices et lecteurs fortement diminuer. Les journaux seraient inclusifs, certes, mais totalement exclus par le plus grand nombre.

On a un problème majeur qui est l’illettrisme, des enfants de sixième qui ne savent pas lire. L’égalité, c’est se battre face à cette situation. Si on commence à adopter l’écriture inclusive, qui est illisible, et compliquée pour tout le monde, comment est-il possible de résoudre le problème et de réduire les inégalités ? Quand je vais en Gambie, je donne des cours à mes petites voisines. Demain, si je débarque et que je leur dis « cette fois on change tout, nous allons travailler l’écriture inclusive », elles vont me prendre pour une folle ! Elles ont la nécessité de s’ouvrir pour s’émanciper avec une écriture partagée par l’ensemble du monde francophone. Que pense d’ailleurs la francophonie de l’écriture inclusive ? [...]"

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