Note de lecture

R. Bacqué, A. Chemin : Trappes, la trappe à jihad (B. R.)

5 janvier 2020

Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin, La Communauté, Albin Michel, 2018, 336 p., 20 e.

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Comment Trappes a-t-elle pu devenir la championne européenne du jihad avec 67 départs en Syrie ? C’est l’objet du livre La Communauté, formidable enquête d’Ariane Chemin et Raphaelle Bacqué, que je vous conseille chaudement si vous vous intéressez à cette question.

Les deux auteures partent de l’origine et racontent comment cette bourgade champêtre des Yvelines a grossi dans les années 1960, accueillant beaucoup d’immigrés d’Afrique du Nord et d’Afrique noire pour travailler dans les usines. S’intéressant à des parcours personnels ou familiaux, elles content le destin à succès de certains de leurs enfants : Jamel Debbouze, Nicolas Anelka, La Fouine ou Omar Sy ont tous grandi à Trappes.

Mais au fil des années, avec la désindustrialisation puis le chômage de masse, c’est la fin du rêve, le crash du melting-pot. L’apparition de la drogue. Les patronages du Parti communiste ont peu à peu perdu de l’influence face à la mosquée et à ses prédicateurs religieux. Le Tabligh, les frères musulmans puis les salafistes se sont installés. L’enseignement a commencé à être contesté. Le conflit israélo-palestinien s’est immiscé, la synagogue a été incendiée, les juifs ont quitté Trappes. Et au bout du bout, le jihad.

Les auteures décrivent une ville qui ne compte plus aucune boucherie non halal, où les femmes ne sont pas les bienvenues dans les cafés, et où elles sont de plus en plus nombreuses à porter le voile. Où des salafistes font régner une sorte de police des mœurs dans les rues.

Si ce livre décrit un engrenage familier, il frappe par la précision du propos, la solidité de l’enquête et la diversité des sources. Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué ne jugent pas, elles décrivent. Sans cacher une forme de tendresse pour cette ville et ses habitants. Car elles ne présentent pas que le côté sombre de Trappes. On y rencontre aussi l’entraide et l’engagement qui y règnent, notamment du côté du club de foot local.

Malgré ce germe d’espoir, il faut avoir la foi chevillée à corps pour imaginer que cette ville, comme tant d’autres communes de banlieue souffrant d’isolement social et passées peu à peu sous la domination d’un islam intégriste parviendront à sortir de l’ornière.

B. R.


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