Revue de presse / tribune

« Quand l’Éducation nationale s’américanise et trahit Martin Luther King » (X.-L. Salvador, Le Figaro, 1er sept. 23)

Xavier-Laurent Salvador, agrégé de lettres modernes, maître de conférences. 2 septembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire « Quand l’Éducation nationale s’américanise et trahit Martin Luther King ».

"La capitale de l’Europe n’est pas Washington, et l’histoire des nations européennes n’est pas celle d’une province américaine perdue aux confins du limes. Aux USA, il faut attendre 1954 pour que la Cour suprême déclare la ségrégation raciale inconstitutionnelle. Et il a fallu attendre encore vingt ans pour que les combats engagés par le pasteur Martin Luther King ou Rosa Parks aboutissent à l’adoption du Civil Rights Act.

En France, en 1954 en revanche, le Cayennais Gaston Monnerville continue de présider le Conseil de la République. Il avait été député ; il présidera le Sénat. Auparavant, Félix Éboué, un autre Cayennais, avait fait carrière dans l’administration française jusqu’au poste de gouverneur. Son rôle fut prépondérant pendant la guerre au Tchad et au Congo pour permettre à la colonne Leclerc de remonter jusqu’à la côte.

Dans les mêmes années, l’américain Sidney Bechet meurt à Garches après avoir chanté Dans les rues d’Antibes où il avait trouvé le bonheur loin de l’apartheid. Dans les mêmes années, Joséphine Baker, née à Saint Louis, dans le Missouri, est élevée chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire. Cheikh Anta Diop prépare sa thèse dans une Sorbonne ouverte au monde avec Marcel Griaule ; Amady Aly Dieng, Sékou Traoré et Charles Diané y font également leurs études. Frantz Fanon soutient sa thèse à Lyon en 1951 après avoir obtenu une bourse d’études et Aimé Césaire après avoir été maire de Fort-de-France est candidat communiste à la députation.

Léopold Sédar Senghor, reçu à l’agrégation de lettres, est élu député, puis secrétaire d’État à la présidence du Conseil dans le gouvernement d’Edgar Faure puis ministre du gouvernement de Michel Debré en 1956. Soit 7 ans avant que Martin Luther King ne prononce son discours « I have a dream » dans un pays où certains bars étaient interdits aux personnes noires. [...]

C’est une tentation courante aujourd’hui parmi les woke de vouloir réécrire l’histoire au prisme de la question de la domination raciale. Dans ce contexte qui réactive et légitime un racisme primitif, il ne sert à rien d’arguer de l’histoire originale de la France : tous les pays blancs sont coupables du même crime de ségrégation. [...]

Il y a finalement de part et d’autre un récit woke édifiant. D’un côté, une Éducation nationale dont l’incertitude à porter dignement le flambeau de l’histoire qu’elle est censée incarner révèle une imposture, celle d’une institution timide qui flatte les élèves sans jamais les heurter. Dans un pays comme le nôtre où les statistiques raciales n’existent pas, la lâcheté qui consisterait à importer l’histoire américaine dans les territoires perdus de la République serait pourtant hautement condamnable. De l’autre côté, l’attitude indigne des réseaux sociaux révèle le drame d’une pensée racialiste qui s’exprime benoîtement : « Quoi ? Comment des Blancs osent-ils reprendre le discours d’un Noir ? » L’argument de l’appropriation culturelle n’est pas loin. [...]"


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