par Samuel Fitoussi, journaliste, auteur de "Woke fiction. Comment l’idéologie change nos films et nos séries" (Le Cherche Midi). 1er octobre 2023
[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.
Ce texte est la reprise, avec l’accord de l’auteur, d’un fil publié sur Twitter le 27 sept. 2023.]
Samuel Ftitoussi, Woke fiction. Comment l’idéologie change nos films et nos séries, Le Cherche Midi, sept. 2023, 368 p., 20,90 €.
Qu’est-ce que le wokisme ?
Certaines notions, bien qu’imparfaites ou difficiles à définir, possèdent une pertinence conceptuelle. C’est le cas du wokisme. Essayons de définir le wokisme par le bas, en recensant 10 idées auxquelles souscrivent la plupart de ses militants.
1) Le militant woke croit que nos parcours de vie et nos expériences en société sont davantage déterminés par nos appartenances identitaires que par notre singularité. Avant d’être un individu, chaque citoyen serait le représentant d’un groupe.
2) Il pense que pour combattre le racisme, il faut replacer la couleur de peau au cœur de la conversation publique : l’universalisme est une hypocrisie qui nous empêche de traiter efficacement le problème.
3) Il a tendance à attribuer toutes les disparités statistiques entre groupes à des dynamiques de domination.
4) Il croit que c’est souvent la réalité qui découle de nos représentations collectives plutôt que l’inverse. Il soutient donc la transformation des imaginaires par le contrôle idéologique de nos produits culturels, de la grammaire et du langage.
5) Il pense que l’on peut être biologiquement un homme mais être au fond une femme, et vice versa.
6) Il a tendance à nier le consensus scientifique sur les différences des sexes et pense que les asymétries comportementales entre hommes et femmes sont toutes construites par la société.
7) Le privé est pour lui politique car le libre arbitre est un leurre : des stéréotypes et des discours nous conditionnent, nous poussant à adopter des comportements oppressifs (les dominants) ou à accepter la servitude (les dominés). L’ingénierie sociale est donc légitime.
8) Il n’aime pas beaucoup le mâle blanc hétérosexuel et croit que les minorités doivent s’unir pour déconstruire l’oppression qu’il leur fait subir (c’est l’intersectionnalité).
9) Le mal, culturellement construit, est pour lui le symptôme d’un problème collectif. Il souhaite que l’on protège l’individu de la société mauvaise (il est intransigeant avec certains discours) plutôt que la société de l’individu mauvais (il se méfie de la répression pénale).
10) Il accorde un poids élevé à la subjectivité des minorités dites opprimées, et lutte contre les discours, les représentations ou les comportements qui pourraient de près ou de loin heurter la sensibilité des plus facilement offensés.
Puisque l’adhésion à l’une de ces idées est fortement corrélée à l’adhésion aux autres, l’emploi du terme « wokisme » pour les regrouper sous un même label ne constitue pas un abus sémantique, mais, au contraire, une façon de mettre un mot sur une réalité sociologique.
Certains disent que le wokisme n’existe pas ; pourtant, les idées recensées ci-dessus, elles, existent, et sont de plus en plus représentées dans le débat public, dans les universités occidentales ou dans le monde de la culture. Il faut nommer ce bouleversement idéologique.
Notons enfin que l’absence de définition unique du wokisme ne signifie pas que le terme ne désigne pas une réalité. Qui peut définir précisément et définitivement le conservatisme, le libéralisme, le socialisme... ? Pour autant, ces mots possèdent une pertinence politique.
Dans mon livre Woke Fiction - comment l’idéologie change nos films et nos séries, paru il y a quelques jours aux éditions du Cherche-Midi, j’aborde ces questions et tente de déconstruire par le raisonnement les nombreux postulats wokes que nous ne questionnons parfois plus.
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