Note de lecture

Qiu Xiaolong - La réalité chinoise chez votre libraire (G. Durand)

par Gérard Durand. 18 février 2021

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Xiaolong Qiu, éd. Liana Levi, Points, 2000-2020.

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Très peu de gens en France ne connaissent de la Chine que ce que nous en disent les rares journaux plus ou moins bien documentés. Il y a aussi quelques films nous décrivant une toute petite partie de la vie quotidienne de ses habitants. Mais pour mieux comprendre ce pays il existe une autre source, celle des livres de Qiu Xiaolong.

Il est né à Shangaï en 1953 dans une famille bourgeoise. Lors de la Révolution culturelle il voit son père devenir la cible des révolutionnaires et lui-même, enseignant, est interdit de cours. Il parvient cependant à soutenir une thèse sur le poète T.S. Eliot et poursuit ses recherches à Saint Louis aux Etats Unis ou il décide de s’installer après les évènements de la place Tien Anmen. C’est en anglais qu’il écrit la série policière à succès qui met en scène l’inspecteur Chen, ainsi que la série de nouvelles sur la poussière rouge, traduits dans plus de vingt pays.

L’inspecteur Chen est un personnage paradoxal dans la Chine actuelle. Policier et poète reconnu, il bénéficie du soutien de personnages importants du régime, admirateurs de ses œuvres, grands amateurs de poésie et parfois eux-mêmes poètes amateurs. Cela lui permet d’échapper à la lourdeur des procédures quotidiennes de l’administration et du parti qui, tout en gardant un œil sur lui, sont contraints de lui laisser une totale liberté d’action. Chen est ainsi devenu un policier efficace aux méthodes parfois surprenantes, puis le policier chargé par de très hauts personnages des « affaires spéciales », celles qui impliquent des membres du Parti ou de puissants hommes d’affaires.

Situation très favorable qui permet à l’auteur d’aborder les sujets qui fâchent. La corruption dans « Le très corruptible Mandarin » ou « La danseuse de Mao », la pollution dans « les Courants fourbes du lac Taï » ou « Chine retient ton souffle ». Les faits divers qui se révèlent souvent très politiques dans « Mort d’une héroïne rouge » ou « Visa pour Shangaï » Romans policiers qui dissimulent une vive critique du régime et la chappe de plomb pesant sur les populations.

Personne n’est épargné, y compris les plus hauts placés dans le parti et/ou les milieux économiques. Celui qui sort de la ligne ou dont le pouvoir devient trop important disparait un jour sans que l’on sache si c’est pour quelques semaines, comme récemment le fondateur du site Alibaba, revenu après trois mois dans une attitude modeste qui ne lui était pas habituelle, ou il y a deux ans, le maire de Shangaï, champion des opérations immobilières dont on attend toujours des nouvelles.

La description de l’immense écart entre une nouvelle caste d’hommes d’affaires implacables, souvent issus de familles de hauts dignitaires, « les Princes rouges » au carnet d’adresse bien fourni, et un peuple de travailleurs en précarité totale est constante. Hôtels et restaurants de grand luxe aux mets et vins hors de prix et aux serveuses très accueillantes, contre logements étroits et budgets minuscules pour l’immense majorité. Pas de sécurité sociale, pas de caisse de retraite au pays de Xi Jingping. Pas étonnant que ces livres ne soient pas diffusés en Chine.

En guise d’apéritif Qiu Xiaolong s’est aussi essayé à décrire la chine d’avant, notamment dans les textes de « La rue de la poussière rouge » publiés par Liana Levi dans sa collection Piccolo, qui décrit la promiscuité d’une population dense et pauvre, mais sans jamais tomber dans le misérabilisme. Il se risque même et avec le même talent à situer des aventures dans la Chine ancienne avec « le vénérable juge TI ».

Si vous êtes amateurs de romans policiers ne vous attendez pas au rythme échevelé des auteurs américains. L’inspecteur sait prendre son temps et s’arrêter sur quelques vers, surtout quand il rencontre un autre poète, et l’abord du premier livre peut vous paraître trop lent. Mais, attention, passé cet obstacle, l’addiction vous tiendra en attente de chaque nouvelle parution.

Gérard Durand


Voir aussi la rubrique Notes de lecture, dans la Revue de presse la rubrique Chine (note du CLR).


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