(Charlie Hebdo, 2 août 23) 5 août 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"L’hôpital public agonise et les rapaces des pseudo-médecines entendent bien se repaître, eux aussi, de sa carcasse fumante. Au détriment de la santé des Français... et avec la complicité du gouvernement.
Lire "Pseudo-médecines : les lobbies en ordre de bataille".
Les vautours sont de retour. On aurait pu croire que le Covid avait remis la science et l’hôpital au milieu du village, mais aussitôt la crise passée, l’Agence des médecines complémentaires adaptées (A-MCA) a repris son inlassable lobbying pour pousser le gouvernement à encadrer – comprendre : légitimer – ce qu’ils appellent pudiquement les « pratiques de soins non conventionnelles ».
Fin septembre, Agnès Firmin Le Bodo, la ministre déléguée chargée des Professions de santé, devrait réunir une commission, formée en juin dernier et composée de scientifiques, d’associations et surtout de deux groupes d’intérêt, parmi lesquels l’A-MCA, qui voudraient bien mettre la main sur le pactole que représente le marché de ces pseudo-médecines.
Car ne nous y trompons pas : l’A-MCA n’a d’agence que le nom, il s’agit bien d’un lobby visant à respectabiliser le marché des médecines dites douces. Quant à ces « soins » qu’elle entend promouvoir, rien de plus que le ramassis habituel de pseudo-médecines – sophrologie, kinésiologie, auriculothérapie, naturopathie, réflexologie… – qui doivent leurs seules vertus à l’effet placebo.
Cette offensive pour la réglementation des pratiques, l’A-MCA l’a lancée dès mars 2021, via une tribune publiée dans Le Monde – le « quotidien de référence » n’étant jamais le dernier à défendre les aventures ésotériques modernes. Un collectif de parlementaires, d’anciens ministres, d’universitaires et de médecins y appelaient à l’époque à transformer l’A-MCA en « agence gouvernementale ». « Un acte fondateur », proclamait le texte. Au nombre des auteurs et signataires : Agnès Firmin Le Bodo, alors députée de la majorité présidentielle.
Des liens avec des mouvements sectaires
Devant la levée de boucliers des associations, cet « acte fondateur » n’avait pas pu être accompli. Mais Le Bodo honore à moitié son engagement en faisant de l’A-MCA un des membres du comité réuni pour plancher sur le devenir des pseudo-médecines. Et tant pis si la majorité des experts s’inquiète de leurs effets réels sur la santé des Français. « Ces pratiques n’ont rien à voir avec le soin et sont souvent adossées à des discours religieux ou ésotériques. Le fait de les promouvoir est une régression totale », déplore Pascale Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi), auprès de Charlie Hebdo.
Et les services de l’État eux-mêmes alertent sur la situation depuis des années. En 2012, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) rapportait déjà que « certaines de ces pratiques répondent […] aux critères de la dérive sectaire car elles sont le fait de « gourous thérapeutiques » qui exercent une véritable emprise mentale sur les malades, pour mieux les dépouiller de leurs ressources ». Parmi ces thérapeutes, environ 3 000 seraient soupçonnés de liens avec des mouvements sectaires, toujours d’après la Miviludes.
Et pourquoi pas ?
C’est là le talent des lobbyistes : faire croire que si ces pratiques sont dangereuses, c’est d’abord parce qu’elles ne sont pas reconnues et donc pas encadrées. « Le plus important, c’est la sécurité des patients ! On ne peut pas interdire des croyances individuelles », a déroulé auprès de nous l’une des fondatrices de l’A-MCA, Véronique Suissa. Et d’ajouter : « Si ce sont des pratiques consensuelles et des formations solides, pourquoi pas ? » Que voilà un argument scientifique en diable : pourquoi pas ? Pas dupe, l’ordre des médecins a rappelé dans un rapport du 27 juin dernier que « certains médecins membres de l’A-MCA se présentent comme praticiens de disciplines non validées scientifiquement » et s’interroge sur « la légitimité des personnes membres de cette « agence » pour réguler l’évaluation des pratiques, les formations à mettre en place… ». En clair : « vigilance vis-à-vis des travaux et activités de l’A-MCA ».
Un seul exemple devrait suffire : dans la liste des experts recommandés par l’« agence » se trouve un certain Antoine Demonceaux. Homéopathe convaincu, le praticien s’est illustré par une anecdote surréaliste livrée sur la chaîne YouTube Pourquoi docteur ? Alors qu’une de ses patientes s’était ouverte auprès de lui des violences conjugales qu’elle subissait, Demonceaux a raconté avoir réglé définitivement le problème. Comment ? En recommandant à sa patiente de glisser, à l’insu du mari, une gélule d’homéopathie dans son café. « Je vous assure qu’elle est revenue un mois après, elle m’a dit : « Écoutez, il boit toujours, mais il n’est plus agressif, il ne me tape plus dessus. » » Marie Trintignant n’y avait pas pensé."
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