Remise des Prix le 30 septembre 2011 à la mairie de Paris

Prix de la laïcité 2011. Discours d’Alain Seksig (HCI)

Inspecteur de l’Education nationale, Chargé de la mission Laïcité au Haut Conseil à l’intégration (HCI) 4 octobre 2011

Alain Seksig
Discours de Alain Seksig au Prix de la laïcité 2011
Discours de Alain Seksig au Prix de la laïcité 2011

C’est avec un immense plaisir que je me trouve ici parmi vous.
Compagnon de longue date du Comité Laïcité République, je siège depuis plusieurs années au jury du prix de la laïcité.
C’est à un autre titre, toutefois, que j’interviens aujourd’hui devant vous. Je représente le Haut Conseil à l’intégration au sein duquel je suis chargé de la mission "laïcité".

Mais si je m’exprime aujourd’hui devant vous au nom d’une autorité administrative rattachée depuis sa création, en 1989, au Premier ministre, mon discours –parce qu’il est tout simplement impossible qu’il reflète autre chose que mes convictions personnelles– n’a pas varié.
Cela m’est d’autant plus aisé que le Haut Conseil à l’intégration est précisément né en 1989, à l’initiative du Premier ministre d’alors, Michel Rocard, dans le contexte très particulier de la première affaire de voile au collège Gabriel Havez de Creil.

C’est dire que le HCI est constitutivement lié à la problématique de la laïcité.
Voici un an, saisi par le Président de la République d’une mission de suivi des questions liées à la laïcité dans notre pays, le président du HCI, Patrick Gaubert, a d’abord installé, en novembre 2010, un Comité permanent de réflexion et de propositions sur la laïcité.

Celui-ci est composé d’une vingtaine de personnalités d’horizons professionnels et politiques divers connues pour leur engagement au service de cette valeur fondamentale de notre République : d’Elisabeth Badinter à Jacques Toubon, de Sihem Habchi, présidente de l’association "Ni putes, ni soumises" à Ghaleb Bencheikh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, de Catherine Kintzler et Abdennour Bidar, philosophes, à Gaye Petek, qui fonda et dirigea longtemps l’association "Elele, migrations et cultures de Turquie" et qui fut membre de la Commission Stasi, de Cathy Kopp, chef d’entreprise, ancienne présidente de la Commission sociale du Medef à Guylain Chevrier, formateur en travail social et syndicaliste… J’en arrête ici la liste, elle est publique et figure sur le site du HCI.

Sans entrer non plus dans le détail de nos travaux, j’indique simplement les 3 axes sur lesquels nous avons décidé de travailler cette première année :

  • La question de l’expression religieuse et la laïcité dans l’entreprise ;
  • celle de la laïcité à l’université ;
  • enfin celle de la formation des personnels de la fonction publique : professeurs et responsables administratifs de l’éducation nationale, praticiens hospitaliers, cadres de la fonction publique territoriale…

C’est que, sur ce dernier point, la confusion, la terrible et coupable confusion génératrice de régression, alimentée selon, par l’ignorance, la peur ou de bons sentiments un peu niais, est encore bien prégnante dans les discours et les comportements. A l’effet de mettre ces derniers en cohérence et d’initier un vaste plan de formation des personnels de nos différentes fonctions publiques, le HCI organisera, les 8 et 9 décembre prochains, un séminaire de réflexion consacré à la laïcité, définition du principe et modalités d’application pratique.
Outre plusieurs directeurs d’administrations centrales et de nombreux acteurs de terrain -Natalia Baleato sera l’une d’entre eux- Catherine Kintzler, Sihem Habchi et Patrick Kessel, notamment, nous ont fait l’amitié d’y participer.

A l’opposé de cette confusion qui est aussi, qui est d’abord, le propre de nombreux responsables politiques, de droite comme de gauche dans notre pays, nous devons saluer le courage et la lucidité de citoyens, modestes et authentiques, non pas militants professionnels mais professionnels militants, tels les deux lauréates du Prix Laïcité 2011.

Tels aussi ces directrices et directeurs d’école –il en est dans cette salle- qui refusent que des parents d’élèves participent à l’encadrement de sorties scolaires si eux-mêmes refusent d’ôter en la circonstance les signes et tenues par lesquels ils manifestent habituellement –et au vrai en permanence– leur appartenance religieuse.

Le ministre de l’Éducation nationale a apporté son soutien à ces enseignants ; c’est une bonne chose. C’est à l’ensemble des organisations laïques et républicaines comme aux élus de la Nation qu’il revient à présent de le faire ! A l’école, et dès la crèche en effet, le respect des enfants et de leur conscience en formation, exige une parfaite neutralité de leurs encadrants, fussent-ils, comme ici dans le cadre d’activités scolaires, collaborateurs occasionnels et bénévoles du service public.

C’est rigoureusement ce qu’a dit et écrit le HCI dans ses recommandations relatives à l’expression religieuse dans les espaces publics de la République, remises au Premier ministre en mars 2010.

Dans le domaine particulier de la petite enfance, qu’il s’agisse tout aussi bien du secteur associatif ou de l’entreprise, le HCI demande que "le principe de laïcité régissant les services publics [soit] étendu aux structures privées des secteurs social, médico-social, ou de la petite enfance, chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général, hors le cas des aumôneries et des structures présentant un caractère propre d’inspiration confessionnelle."

C’est également la position défendue par Manuel Valls, député-maire d’Evry, qui fut l’un des tout premiers élus à avoir soutenu le combat laïque de la crèche Baby-Loup.

Pour sa part, dès qu’il a eu connaissance de la situation conflictuelle existant dans cette crèche, au demeurant unique en France en raison de son ouverture 24h sur 24, le HCI a apporté un soutien sans réserve à la démarche de sa directrice que nous honorons aujourd’hui, Natalia Baleato.

Natalia Baleato que les membres du HCI –dont Malika Sorel, ici présente, qui la première m’en avait parlé- ont rencontrée lors d’un déplacement à Chanteloup-les-Vignes en 2010, puis qui fut auditionnée par le groupe de travail sur la laïcité.

Natalia Baleato, manière de force tranquille à elle seule, dont il n’est pas indifférent de rappeler qu’elle nous est venue du Chili que nous avons aimé et soutenu dans son combat contre la sauvagerie fascisante.

Dans l’avis sur "L’expression religieuse et la laïcité dans l’entreprise" que nous avons rendu le 1er septembre dernier au Premier ministre, et que Patrick Kessel a cité tout à l’heure, nous demandons notamment que soit inséré dans le Code du Travail un article autorisant les entreprises à intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions relatives aux tenues vestimentaires, au port de signes religieux et aux pratiques religieuses dans l’entreprise (prières, restauration collective…) au nom d’impératifs tenant à la sécurité, au contact avec la clientèle ou la paix sociale interne.

Cette recommandation figurait déjà, en décembre 2003, au nombre des propositions de la Commission Stasi. Elle fit l’objet d’une proposition de loi portée en 2008 par le député Jean Glavany et fut également reprise dans le cadre de la résolution sur l’attachement au respect des principes de laïcité adoptée le 31 mai 2011 à l’Assemblée nationale.

Le 12 septembre dernier, lors du jugement en appel au tribunal de Versailles où nous étions présents dans l’assistance, comme nous l’avions été le 13 décembre 2010 au tribunal des Prud’hommes de Mantes-la-Jolie, nous avons singulièrement apprécié que cet avis du HCI soit positivement cité dans sa remarquable plaidoirie par l’avocat de la crèche Baby-Loup, Maître Richard Malka, quand l’avocat de la partie adverse n’avait de cesse de le vilipender !

Le HCI est heureux et fier d’apporter son soutien à Madame Natalia Baleato et de participer aujourd’hui au juste hommage qui lui est rendu.

Et puis Nadia El Fani, dont j’ai eu le plaisir et le privilège de voir le film, voici peu, ici-même en mairie de Paris, au cours d’une soirée organisée par Yamina Benguigui et où j’ai personnellement croisé de nombreux visages amis. Nadia El Fani, "une force qui va" comme Hernani (son presque homonyme !) se décrivait lui-même sous la plume de Victor Hugo.

Ici ou là, il n’est pas rare qu’on nous dise que la laïcité est une particularité franco-française, incompréhensible et même intraduisible hors de nos frontières, ce qui est tout simplement faux comme en attestent, entre autres, les propos de Soheib Bencheikh, ex-mufti de Marseille, dans la revue Hommes et migrations dès 1999.

A ceux qui persistent dans ce discours de dénigrement, de double dénigrement –de la laïcité à pouvoir être comprise ; des étrangers, voire des immigrés à pouvoir la comprendre– Nadia El Fani est là pour nous rappeler par son combat, par son film qui en est le témoin et l’outil magnifique, que la laïcité est un principe universel.

S’il en est d’une certaine manière dépositaire au point de l’avoir inscrit dans la Constitution de la République, notre pays n’est nullement propriétaire du principe de laïcité, cette idée centenaire et toujours aussi neuve.

D’un peu partout, de par le monde, des voix s’élèvent pour la revendiquer. Ce sont ces voix-là qui, ici, plus que d’autres, méritent d’être entendues et soutenues.

C’est ce qu’ensemble nous disons aussi ce soir à Nadia El Fani. Tout comme celui de Natalia Baleato, votre combat, Madame, est le nôtre, celui qui vise à promouvoir les idéaux de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité.


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