Prix de la Laïcité 2007 : accueil d’Anne Hidalgo

Première adjointe au maire de Paris février 2007

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement heureuse et honorée d’ouvrir devant vous cette après-midi de débat organisée par le Comité Laïcité République qui va se clore par la remise des prix de la laïcité 2007. J’ai eu d’ores et déjà la joie en 2005 de remettre ces prix et je veux que vous sachiez que c’est un grand honneur, de vous accueillir, au nom du Maire de Paris, une nouvelle fois à l’Hôtel-de-Ville.

Le terme laïcité vient de "Laos", qui en grec signifie Peuple. Il est donc pour moi symboliquement fort de vous accueillir dans ces salons de l’Hôtel de Ville, au cœur même de la maison du peuple pour défendre ce combat permanent qui nous rassemble aujourd’hui. Cette maison est la vôtre. Je veux le souligner d’autant plus que vous êtes, vous Monsieur Philippe FOUSSIER, vous Monsieur Patrick KESSEL, et vous qui faîtes vivre ce Comité, des acteurs essentiels à la vie de la Cité, à la citoyenneté, et plus largement, à ce qui fonde la démocratie dans notre pays.

La Ville de Paris est fière d’accueillir ce colloque dans ses murs. La laïcité est intrinsèque à la démocratie. Et nous savons tous ici combien, tous les jours, la laïcité peut être mise à mal, combien nous devons être vigilants, combien elle est un objet vivant qu’il faut chérir et affirmer haut et fort. C’est pourquoi remettre un prix de la laïcité, national et international, est ô combien symbolique de ce combat... mais j’y reviendrai un peu plus loin.
Je voudrais, ici devant vous, remercier également Antoine SFEIR, Président d’Honneur, qui n’a malheureusement pas pu être parmi nous aujourd’hui et je le regrette.

Le Comité Laïcité République a été créé, en 1991, après la première "affaire du voile" pour défendre le principe de laïcité dans notre République et pour réclamer une réglementation claire, face à la recrudescence des litiges internes entre directions des établissements scolaires et élèves.

Il me semble important de rappeler ici que le Comité a fait parti en 2003 de la Commission Stasi, commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans notre République. Ceci montre, s’il en était besoin, que vous participez pleinement à la vie démocratique de notre République. Je tiens par ailleurs à rappeler qu’à l’occasion de l’adoption de la loi encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, vous vous êtes félicité de cette initiative et avez estimé qu’il s’agissait d’un nouveau départ pour étendre la laïcité aux établissements publics, tribunaux, hôpitaux, etc. sur l’ensemble du territoire. La laïcité est effectivement un combat quotidien.

Je voudrais m’attarder un instant sur la définition de la laïcité. Quatre piliers me paraissent participer à cette définition :

• La protection d’une liberté individuelle fondamentale, la liberté de conscience ;

• La séparation des églises et de l’Etat ;

• Le " vivre-ensemble " dans la République avec toutes nos différences et dans le respect de ces différences ;

• La lutte pour la raison, la rationalité, l’esprit critique contre l’obscurantisme et toutes les formes d’intégrisme. Il y a des laïcs dans toutes les religions. Il y a aussi des intégristes dans toutes. C’est bien ce que nous montre inlassablement Caroline Fourrest, que nous avons la joie d’avoir parmi nous. La laïcité est une lutte contre ces intégristes.

La laïcité fait encore débat aujourd’hui, ce qui est bien la preuve, s’il en fallait une, de sa perpétuelle actualité et pertinence.

Le fait que vous défendiez cette valeur fondatrice de notre identité républicaine pourrait suffire largement à ma joie d’introduire vos débats. Mais ce serait sans compter sur les sujets que vous avez choisi d’aborder cette après-midi : mon parcours, mes fonctions et surtout mes convictions laïques y trouvent un réel écho !

La question de la laïcité en Espagne tout d’abord, et la façon dont les réformes de société portées par le gouvernement de José Luis ZAPATERO ont eu à affronter l’Eglise. Il est toujours enrichissant de s’inspirer d’exemples de pays voisins, aussi bien pour mieux se connaître que pour progresser. L’Espagne, qui m’est chère à plus d’un titre, représente ces dernières années un fabuleux exemple de progrès social. Le gouvernement de José Luis Zapatero a en effet su proposer des avancées fortes et courageuses, dans cette démocratie où la tradition catholique reste très présente.

Le gouvernement espagnol a ainsi permis aux couples homosexuels de jouir des mêmes droits que les hétérosexuels, aussi bien en ce qui concerne leur union que leur volonté d’adopter des enfants. Des avancées ont eu lieu également en matière d’enseignement scolaire. Mais je m’arrêterai là et laisserai Monsieur José MUNOZ nous exposer de façon plus complète à la fois la réalité que doit affronter le Gouvernement espagnol et la façon dont le combat laïque peut exister dans ce pays qui est notre voisin.

Un autre des sujets que vous allez traiter est la présence des sectes au sein de notre République. Je suis particulièrement heureuse que vous ayez choisi cette thématique car, très souvent, les personnes qui se battent auprès des victimes de mouvements sectaires sont seules et trouvent peu d’écho de leur combat.

Bien sûr, récemment, les députés ont eu le courage de nous montrer le contraire en publiant un rapport très précis sur les dérives sectaires qui touchent les enfants. Ce rapport, très fort, n’hésite pas à dénoncer l’inertie de certaines administrations. Bien sûr, la presse et les médias sont attentifs à ce sujet.

Le Maire de Paris a choisi de mettre en place un Comité de pilotage de lutte contre les dérives sectaires, que je préside, afin que les élus et l’administration parisienne soient vigilants sur cette question.

Mais il est bon de rappeler une nouvelle fois que la lutte contre les sectes est un des combats pour la laïcité. Chacun de nous doit rester attentif et - je dirai même - combatif face à la prolifération de ces mouvements au sein de notre République, à l’image de Catherine Picard ici présente,
Présidente de l’Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu. Une telle action nécessite beaucoup d’énergie et de mobilisation à l’heure où certains mouvements se posent, chaque jour, un peu plus en victime de ce qu’ils appellent "la lutte menée par l’Etat contre les libertés publiques".

Certains voudraient ainsi mettre à mal la loi de 1905 pour permettre l’émergence de nouvelles "églises", de nouvelles religions ou de nouvelles pratiques religieuses.

Rappelons que la secte représente un problème de société extrêmement grave tant pour la démocratie que pour l’équilibre psychique et psychologique des personnes, leur vie spirituelle et philosophique.
Le mot secte tel qu’il est entendu aujourd’hui, n’a plus son sens historique ou sociologique de dissidence d’une grande confession religieuse. De fait, le caractère religieux souvent évoqué n’est plus qu’un masque permettant aux sectes de dissimuler leurs buts réels. Il leur permet de tenter d’échapper à tout contrôle en abusant de la respectabilité que nos sociétés reconnaissent aux confessions religieuses.

Confondre "sectes" et "nouvelles religions", comme le font certains, aboutit à condamner la lutte contre le sectarisme au motif qu’elle constituerait ainsi une atteinte à la liberté religieuse, prétexte fallacieux qui ne résiste pas à l’analyse.

Ces groupes sectaires s’appuient sur les doutes et sur les manques de notre société : manque d’avenir prévisible, manque de chaleur et de réelle solidarité, manque de "sens".

Mais on ne peut pas ignorer que de nouvelles pratiques religieuses apparaissent au sein de religions qui vivent historiquement dans notre République. Je pense tout particulièrement aux protestants de France confrontés à l’attrait grandissant des églises évangéliques.

Des nouvelles questions se posent, des nouvelles demandes nous sont adressées, des pratiques religieuses particulières ont lieu sur le territoire. Les principes de la laïcité peuvent nous aider à y répondre dans un dialogue ininterrompu entre l’Etat et les autorités religieuses qui doivent prendre chacun leur part de responsabilités.

En vertu de la loi de 1905, l’Etat ne saurait porter aucune appréciation sur le contenu religieux ou philosophique des idéologies professées par ces groupes.

Mais, plus que jamais, face aux dérives irrationnelles et aux fanatismes religieux, une conception ferme et forte de la laïcité doit s’affirmer.
Le troisième atelier que vous allez aborder va être tourné vers le témoignage de plusieurs jeunes élèves du Kremlin-Bicêtre qui viendront témoigner d’un parcours laïque qu’ils auront fait avec leur classe dans la journée. Quoi de plus beau que de finir cette réflexion autour de la laïcité en passant le flambeau aux plus jeunes. Eric FERRAND, Adjoint au Maire chargé des affaires scolaires sera présent alors à la fois pour accueillir la classe et pour témoigner autour des jeunes et de la laïcité.

Enfin, permettez-moi de dire un mot des deux lauréats des prix de la laïcité qui sont des symboles forts de notre combat, de votre combat pour la laïcité en France et dans le monde :

le café "la mer à boire" avec Zayed BADER, Marika BIET et Marianne GOSSEY qui ont organisé à Belleville une exposition de caricatures intitulée "Ni Dieu, ni Dieu",

et Naser Khader, député danois (qui appelle à adapter l’islam à la modernité européenne).

Je veux saluer également à nouveau Caroline FOURREST et aussi Mohamed SIFAOUI qui nous fait l’honneur d’être ici.

Ils ont su réaffirmer, chacun à leur manière, mais toujours avec vigueur et intégrité, des principes démocratiques gravement remis en cause lors de la polémique sur les caricatures du prophète Mahomet. Ils ont su chacun à leur manière faire face à l’ignorance et avoir du courage, le courage simple
et fort d’être présent, de dire et de ne pas reculer.

Car la laïcité constitue une garantie pour tous les citoyens contre toute forme de discrimination. En empêchant tout d’abord à quelque religion que ce soit, notamment en cette période de montée des intégrismes, d’imposer ses règles à la société.

Pour terminer, et avant de laisser place au débat, je voudrais conclure en vous remerciant de tout mon cœur pour les actions de vigilance mais aussi de réflexion que vous exercez sur notre société. C’est par des débats comme ceux que vous proposez aujourd’hui, par des interrogations, des discussions, que notre société reste alerte, vivante, résistante. Je me permettrais d’ailleurs de citer un des "10 commandements de la démocratie" de Naser Kadher : "Nous devons tous dialoguer ensemble, toujours".

Je vous remercie.


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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