Vincent Présumey

"Préalable aux « débats identitaires » : jacobinisme, bonapartisme et république" (V. Présumey, 11 av. 16)

18 avril 2016

"[...] En toute rigueur, on devrait donc parler non pas de « centralisation jacobine » mais de « centralisation bonapartiste » et souligner l’antagonisme des deux formes de centralisation. Et ajouter que la position prolétarienne n’est pas d’opposer le fédéralisme décentralisateur à la république, mais la république à l’Etat bonapartiste. Se placer dans le camp du fédéralisme décentralisateur anti-républicain est une forme d’alliance avec des secteurs bourgeois et réactionnaires qui n’empêche d’ailleurs nullement de passer sous la coupe de chefs d’Etat bonapartistes, de Pétain à la V° République. [...]

Ce langage de la dénonciation des archaïsmes des services publics, des petites communes encore nombreuses, de la fonction publique, de l’école publique laïque, ce langage est celui-là même des petits chefs décentralisateurs nommés par le pouvoir central, préfets, sous-préfets, chefs de cabinets, directeurs académiques, directeurs d’ARH …, toujours pour quelques années seulement car en bons missi dominici ils ne doivent faire que passer au dessus de leurs administrés. Ils ont pour métier, bien rétribué, de s’attaquer aux provinces toujours « jacobines », c’est-à-dire attachées à l’égalité et au service public, aux petits maires, aux petits fonctionnaires, aux petits salariés, aux petits territoires qui se défendent en invoquant ces très concrètes « antiennes » de l’égalité des droits et de l’unité, entendant par là le traitement égal et l’exercice du pouvoir à égalité (isonomie et isocratie comme auraient dit les Athéniens ! ), cela à l’encontre du pouvoir central, de l’Etat bourgeois, dont la forme est bonapartiste et non pas jacobine, bonapartiste et non pas républicaine.

Oui, décidément, les éléments de langage de P. Marlière et de la gauche de gauche antijacobine et antirépublicaine ressemblent fichtrement à ceux de ces énarques décentralisateurs et autres inspecteurs venant prêcher dans les collèges l’inégalité obligatoire dans l’offre de formation, sens de l’actuelle « réforme du collège », et venant ordonner l’obéissance aux fonctionnaires en leur enjoignant de pondre des projets propres et de ne pas offrir le même enseignement à tous les enfants, car il faut être moderne et il faut donc sortir des vieilles « antiennes » égalitaires et unitaires ! [...]

La focalisation méprisante sur un « jacobinisme » et un « républicanisme » français qui, de concert avec une religion laïque séculière, seraient des tares propres à la nation française en général et à son mouvement ouvrier en particulier, qu’il conviendrait aujourd’hui d’extirper une fois pour toute, repose sur une ignorance abyssale, drapée dans la certitude du faux savoir, envers toute l’histoire du mouvement ouvrier, socialiste et révolutionnaire international. [...]"

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