Note de lecture

Pierre Assouline - Une leçon de vie (S. Mayol)

par Samuel Mayol 7 juillet 2024

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Pierre Assouline, Le Nageur, éd. Gallimard, 2023, 256 p., 20 €.

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« Rome : Si je le revois, je le tue ». Ainsi s’ouvre la première page de cette biographie qui est à la fois, une leçon de vie et un hommage au courage d’un grand nageur qui repose en paix dans le cimetière de Sète !

Comment ne pas être fasciné par le destin de ce nageur exceptionnel, Alfred Nakache.

Né dans une famille juive de Constantine en Algérie, en 1915, cet adolescent, contrairement à tous ses camarades, a une peur bleue de l’eau. Il guérit de cette phobie a treize ans, chez les scouts, lorsqu’après une partie de foot, ses camarades jettent sa paire de chaussures au fond de la piscine. Motivé par la peur d’une correction s’il rentre en chaussettes, il va plonger à plusieurs reprises, prenant ainsi conscience qu’il peut immerger sa tête hors de l’eau sans risque de se noyer.
Avec l’un de ses camarades, il assiste à un championnat de natation à Constantine où deux militaires y font l’admiration pour leurs performances. Enthousiasmé par l’ambiance qui règne autour de ces deux nageurs, Alfred Nakache plonge dans « le grand bain » du sport et choisit la natation. « Artem » est né. Il nage comme un sac mais son entraîneur à la Jeunesse nautique constantinoise remarque chez ce nageur foutraque « « un je ne sais quoi » de subtil, d’invincible. La légende est en marche ! 

Avec la rigueur d’un biographe, la curiosité du journaliste, la créativité, le style d’un écrivain accompli, des mots justes, Pierre Assouline rend un vibrant hommage à ce sportif de haut niveau, Alfred Nakache. Il s’intéresse à la destinée hors du commun de ce nageur plusieurs fois champion de natation dans les années de l’entre-deux guerres. Ce récit passionnant met à la fois en exergue le talent d’Artem, son tempérament méditerranéen, sa jovialité, mais aussi cette période de l’entre-deux guerres tant en Algérie qu’en France. Très tôt, devenu champion de France et d’Europe, recordman du monde du 200 mètres nage libre, il va participer aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, dans un climat d’antisémitisme, pour terminer sa carrière à Londres en 1948.

A Berlin, avec l’équipe de France, il termine quatrième du relais 4 x 100 m nage libre, devant l’équipe allemande. Pour signifier son opposition à Hitler, sur le podium, il baisse la tête pendant que les autres font le salut nazi. Fidèle à ses principes, en 1942, il refusera de porter l’étoile jaune.

J’ai beaucoup aimé ce livre qui permet, à la fois de découvrir cet homme exceptionnel de courage mais aussi d’en apprendre encore un peu plus sur cette période. J’y ai découvert Constantine et les manipulations politiques, pénétré les coulisses de l’Assemblée nationale avec les débats où seule la voix de Pierre Mendes France s’opposera à la participation de la France au Jeux Olympiques de Berlin, observé l’attitude des sportifs devant la montée du nazisme, assisté aux discriminations dans les clubs sportifs, les rivalités mais aussi la solidarité.

Samuel Mayol


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