18 janvier 2015
"Après Malek Boutih, le sénateur radical Philippe Esnol (ex-PS) met les pieds dans le plat à propos de la montée du fondamentalisme religieux. Entretien.
En octobre 2013, le sénateur Philippe Esnol quitte le Parti socialiste avec fracas. L’ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine, désormais inscrit chez les radicaux de gauche, rejoint les propos alarmants de Malek Boutih sur la montée du fondamentalisme religieux et la complicité de certains élus. Philippe Esnol a fait partie du groupe de parlementaires consultés lundi par Bernard Cazeneuve afin de renforcer les moyens de la sécurité face aux nouvelles menaces terroristes. Il livre son expérience sur le terrain. Entretien.
Le Point : Malek Boutih a dénoncé ici la connivence entre certains élus locaux et le communautarisme religieux pour des raisons électoralistes. Partagez-vous son constat ?
Philippe Esnol : Malek Boutih a tout à fait raison. J’ai pu le constater notamment à propos du port de la burka. Il y a huit mois, alors que j’étais encore maire de Conflans-Sainte-Honorine (la ville a basculé à droite en mars 2014, NDLR), j’ai reçu la visite du procureur de la République qui m’a confié que des ordres avaient été donnés pour qu’on ferme les yeux sur le port de la burka afin de ne pas reproduire les émeutes qui, à la suite d’un contrôle de police, avaient mis le feu à Trappes à l’été 2013. J’ai interpellé Najat Vallaud-Belkacem au groupe PS sur cette question à l’époque où elle était ministre du Droit des femmes, au moment où l’on examinait la loi sur l’égalité femmes-hommes. L’égalité salariale, très bien, mais la condition des femmes dans les banlieues, quand en parle-t-on ? Ma question ne lui a pas plu. Elle a botté en touche. Avez-vous déjà fait un tour sur un marché à Mantes-la-Jolie ? C’est l’Arabie saoudite ! Une femme non voilée s’y sent mal à l’aise. J’ai été l’un des premiers au PS à défendre, avec Manuel Valls, l’interdiction de la burka. À l’époque, nos camarades socialistes nous traitaient d’"intégristes laïques"...
En tant que maire, avez-vous eu à traiter avec les communautés ?
J’ai dû faire face à une pression incessante des communautés religieuses. Quand ce n’est pas sur l’alimentation, on m’a demandé des horaires aménagés à la piscine. Je n’ai jamais voulu céder. Je suis un laïque et d’autant plus à l’aise pour en parler que je me suis battu pour offrir aux musulmans de ma ville un lieu de culte. Les musulmans ont parfaitement le droit d’exercer leur foi en toute quiétude. Mais pas dans la sphère publique ! Or, certains membres de cette communauté débordent constamment de la sphère privée. Et il faut le dire : cette religion n’a aucun recul sur elle-même et aucune capacité à l’autodérision. Ils ne comprennent pas la laïcité. J’en sais quelque chose, l’affaire de la crèche Baby Loup, c’est chez moi !
Avez-vous tenté d’alerter les autorités ?
J’ai demandé à voir Jean-Louis Bianco, le président de l’Observatoire de la laïcité. J’ai demandé par de nombreux canaux un rendez-vous. Jean-Louis Bianco (*) n’a jamais voulu me recevoir, et pourtant Françoise Laborde et David Kessler ont intercédé. Rien n’y a fait. Bianco a finalement pondu un rapport qui minimise tous les problèmes. Autre exemple vécu : quand une association salafiste ouvre une école coranique, un maire ne peut pas s’y opposer et le procureur de la République non plus dès lors que l’association a reçu l’accord du rectorat. Donc, nous savons que l’enseignement qui y est proposé tourne le dos aux valeurs de la République, mais nous sommes impuissants. [...]
(*) Jean-Louis Bianco réagit aux affirmations de M. Esnol : "Jamais M. Esnol n’a demandé à M. Bianco un rendez-vous. Nous découvrons cette demande dans votre article. M. Kessler n’est jamais intervenu auprès de M. Bianco. Mme Laborde est membre de l’Observatoire et n’a pas non plus fait savoir à M. Bianco que M. Esnol souhaitait le voir "avec insistance". ""
Lire "Philippe Esnol : "On a reçu l’ordre de fermer les yeux sur le port de la burka"".
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