Philippe de Gaulle, amiral. 7 janvier 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Philippe de Gaulle, Mémoires, éd. Bouquins, jan. 2022, 928 p., 30 €.
"[...] La thèse du glaive et du bouclier, développée dans les années 1950, et très à la mode aujourd’hui, est sans fondement. Pétain voulait mettre fin à la République pour lui substituer une autre morale. On ne fait pas de réforme morale et politique sans être vainqueur. Si on est vaincu, toute prétention à la réforme est de la blague. Il fallait faire la guerre, et utiliser sans hésiter la profondeur stratégique de l’empire. Toute idée contraire nous menait au désastre. [...]
Vous avez fait quelques ajouts dans cette nouvelle édition. Notamment à propos de la guerre d’Algérie. En juillet, on commémorera les 60 ans de l’indépendance. Le temps, peut-être, d’arrêter de demander pardon ?
Nous, les Gaulois, n’étions rien avant d’être conquis par Rome. Ils nous ont tout appris. L’état civil, le statut de la femme, l’héritage, les aqueducs, les fortifications, l’art de la guerre. Les Algériens, c’est la même chose : nous leur avons beaucoup appris, plutôt que de parler de crime contre l’humanité.
Il y a encore une grande bataille de chiffres, par exemple autour du nombre de morts…
Le gouvernement algérien continue de répandre des mensonges sur la présence française. Les commissions d’experts, qui se sont penchées sur le sujet dans les années suivantes, ont établi à 188.000 le nombre d’Algériens morts pendant dix ans de combats. Et non pas 1 million, comme on a entendu ! En 14-18, guerre autrement meurtrière, il y a eu 1,3 million de militaires français tués. Gardons le sens de la mesure. [...]
On cite souvent l’expression « Colombey-les-Deux-Mosquées », pour expliquer l’impatience de votre père à séparer l’Algérie de la France. Ce n’est pas vrai ?
Après l’indépendance, mon père était soulagé pour la France. Il avait fini par conclure que « ce n’était pas la France qui profitait de l’Algérie, mais l’Algérie qui vivait de la France ». Quant à « Colombey-les-Deux-Mosquées », selon moi, il n’a jamais dit ça. C’est Alain Peyrefitte qui l’a rajouté dans C’était de Gaulle. Je le connaissais bien, et je l’ai aidé à terminer son livre, mais il était un peu inventeur parfois. Charlie Hebdo a repris ensuite ce slogan. Le journal satirique aurait dû se limiter à ce genre de plaisanterie en matière d’islam.
Faire dire à Mahomet « C’est dur d’être aimé par des cons », en visant les islamistes, ce n’est pas bien méchant, et c’est même vrai…
Il y a eu pire ensuite, où on voit le Prophète à quatre pattes. On ne fait pas ça. C’est inutilement insultant.
Donc, votre père n’aurait pas dit « Colombey-les-Deux-Mosquées », mais il a dit « Israël, peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur ». On l’a accusé d’antisémitisme. Mauvais procès ?
Dois-je répondre en évoquant les noms de Gaston Palewski, René Cassin, Michel Debré, et tant d’autres Français juifs qui l’ont entouré ? Mon père s’en fichait de la religion des uns et des autres, il utilisait les compétences de ceux qui voulaient la même chose que lui : servir la France. Après cette phrase qui a fait couler tant d’encre, il m’avait confié : « Peuple d’élite, sûr de soi et dominateur. Je voudrais bien pouvoir en dire autant des Français. » [...]
Le Conseil constitutionnel est l’un des symptômes de cette judiciarisation de la vie politique. Doit-il être recadré ?
Juger les lois à l’aune des préambules de la Constitution, cela n’a jamais été l’esprit de la Ve République. Mon père avait vu le danger. Il a été furieux de découvrir que les rédacteurs du projet de 1958 avaient adjoint les préambules des constitutions antérieures, avec leurs déclarations des droits de l’homme, mais il n’est pas intervenu pour les ôter. « ... Les démagogues qui sont les inspirateurs de ces additions vont pouvoir bêtifier sur les droits de l’homme pour rendre l’internationalisme, le cosmopolitisme et l’apatridisme opposables aux droits du citoyen », m’avait-il dit.
Et cette présidentielle, qu’en dites-vous ?
Éric Zemmour s’amuse et sème la pagaille, peut-être d’ailleurs à la demande d’Emmanuel Macron, qui n’a pas démérité. [...]"
Lire "Philippe de Gaulle : « Cette idée que c’est la fin de la France est exagérée »".
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