Revue de presse

"« Personnes en situation de rue », « déplacements apaisés » : plongée dans la novlangue Hidalgo" (lefigaro.fr , 16 oct. 21)

21 octobre 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Malgré des intentions de vote flirtant avec les 4%, l’actuelle maire de Paris a commencé sa course vers l’Élysée. Une occasion rêvée pour créer de nouvelles phrases, mots et expressions.

Par Marie-Liévine Michalik et Alice Develey

Le 12 septembre dernier, à Rouen, loin des grandes avenues parisiennes, Anne Hidalgo se dit prête pour une « aventure démocratique ». Carré bien lissé, ton très policé, l’actuelle maire de Paris se lance dans une épopée vers l’Élysée dont elle rêvait depuis longtemps.

Elle s’est donné une mission : « changer la vie, la rendre plus facile, plus belle ». Son ennemi, c’est la voiture et la pollution. « L’un des enjeux de cette mandature, écrivait l’édile début 2019, est de rendre aux Parisiennes et Parisiens, leurs places, leurs parcs, leurs rues, leurs jardins, leurs squares. » Ce n’est plus Paris libéré mais « Paris respire », programme qui depuis 2018 a chassé petit à petit les voitures de « l’espace public sécurisé ». Place aux « espaces végétalisés », « autoroutes citoyennes » et « lieux pacifiés et multi-usages ».

Périphrases alambiquées, créations de mots : bienvenue dans les ruelles du langage Hidalgo.

Anne Hidalgo n’est pas la première à le faire, pour créer un nouveau monde, rien de tel que les néologismes. Ainsi est né durant la crise sanitaire les « coronapistes », un nom bien compliqué pour désigner tout simplement les pistes cyclables. On peut s’interroger sur la pertinence d’un tel terme. Ne lui en déplaise, monsieur et madame-Tout-le-Monde ne l’ont jamais utilisé.

À rebours d’une époque pressée qui parle par apocope : ciné, ordi, métro, l’édile préfère, elle, rallonger les mots. On a ainsi cette création hidalguienne : le « vélopolitain », bienheureux remplaçant du métro(politain) censé faciliter les transports journaliers domicile-travail. C’est bien connu, on parle tous au quotidien de « vélocipède » et de « stylographe »...

En parlant de néo-logismes est également né le « néo-agriculteur ». Il s’agit ni plus ni moins du Parisien qui fait pousser quelques petites tomates sur son « rooftop » avec vue sur la Tour Eiffel. L’édile qui a choisi un slogan anglais de marque de pizza pour les JO n’hésite pas à abuser de l’anglais, puisque la langue est à la mode. Dans son jargon, on parle ainsi de « topager ». Ce n’est pas une faute de frappe mais un potager situé sur les « hauteurs ». On se souvient du « hackathon » organisé par la mairie de Paris en 2015, réunissant les géants du Net pour prévenir les crises. L’Académie de la Carpette anglaise l’avait même récompensée pour « avoir utilisé l’anglais comme langue de communication de la ville de Paris ».

Les mots sont inventés et la réalité est lissée. Anne Hidalgo s’exprime par euphémismes et périphrases. Ainsi, on ne parle pas de sans-abri mais de « personnes en situation de rue ». Comme si cette formule allait atténuer la véracité des chiffres : 2785 personnes sont actuellement sans abris dans la capitale.

De la même manière, les salles de shoot deviennent des pièces « de consommation à moindre risque », l’insalubrité se change en une forme de « dérégulation de certains quartiers ». Les voitures deviennent des « engins carbonés » reléguées aux frontières du périphérique. Place maintenant « aux mobilités souples », soit les vélos, tramways et autres moyens de transport écologiques. Bienvenue dans le monde des « déplacements apaisés ». Quant aux mégots et autres détritus qui font la gloire de #SaccageParis, ils ne sont plus que des « débris flottants ». Non pas au bord des trottoirs comme les appellent les passants, mais sur les « autoroutes citoyennes »...

À l’inverse, l’édile n’hésite pas à exagérer des réalités pour les rendre plus agréables. Ainsi, les poubelles sont « innovantes, esthétiques et accessibles ». Quant aux équipes d’entretien, elles sont renommées « super brigades vertes ». Un vocabulaire qui pourrait presque s’apparenter à un conte pour enfants.

Comprendre Anne Hidalgo dans le texte c’est tout un art. Elle multiplie les longues descriptions, dissonantes par rapport à la réalité parisienne. Un exemple parmi tant d’autres, en 2019, elle souhaitait la bonne année à « ses Parisiens et Parisiennes », comme elle aime à les appeler : « à pied, à vélo, en trottinette, en poussette, les joggeurs et les flâneurs ont fait de ce patrimoine parisien une autoroute urbaine joyeuse et citoyenne. Le moyen le plus rapide de traverser la Ville. » Un vocable bien complexe pour simplement mettre en valeur...les rues de Paris.

Les phrases sont souvent méandreuses et compliquées. Que comprendre à : « la perception de la propreté à Paris se fonde en négatif sur des constats relatifs à la malpropreté », ainsi qu’elle l’écrivait en 2018 ? Trois années plus tard, Hidalgo n’a pas changé, ou enfin presque : « Je crois beaucoup dans la force des territoires de poser aussi des solutions », déclarait-elle d’une voix posée, où chaque mot est suivi d’un léger silence pour lui donner toute son importance, le 13 septembre à l’antenne de France Inter.

À croire que plus on lit Hidalgo, plus on l’écoute, moins on la comprend."

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