24 mai 2013
"Pascal Vesin est curé de la paroisse Sainte-Anne d’Arly Montjoie * à Megève depuis 2004 et prêtre depuis 1996. Loin de l’image conservatrice de sa fonction, le père Vesin dévoile sa façon de conduire sa paroisse et de voir la société.
Des prises de positions qui ne sont pas du goût de tous les paroissiens qui parfois écrivent au diocèse pour le faire savoir. Rencontre.
[...] Comment voyez-vous votre rôle auprès des croyants ?
Être chrétien c’est accompagner les personnes dans leurs choix, leur vie. Le but d’un curé est d’éclairer les gens ; ensuite c’est la personne qui pose son acte. L’Église outrepasse son droit quand elle dit ce qu’il faut faire ! L’Église n’est pas monolithique, elle est plurielle. Une pluralité de pensée que l’on retrouve avec les quatre évangiles (selon saint Luc, saint Matthieu, saint Jean et saint Marc, Ndlr) soit quatre expériences différentes du Christ.
Vous devez quand même conduire les paroissiens à avoir une vie exemplaire pour accéder au paradis ?
Rien à faire d’être vivant après la mort ! La question c’est plutôt : est-ce qu’aujourd’hui les actes que je pose vont me rendre heureux et rendre heureux les autres ? La morale c’est comment être heureux et ne pas correspondre seulement à une norme. Maurice Zundel, un prêtre suisse, estimait que l’essentiel n’est pas de savoir si on sera vivant après la mort mais si on est vivant avant de mourir !
Quel est votre position concernant le projet de loi du mariage pour tous ?
Je suis un fidèle défenseur de la laïcité, de la loi de 1905 qui sépare l’État et les églises. L’Église n’a pas à s’immiscer dans le temporel. Elle peut poser des questions, ouvrir le débat mais de là à manifester... Que l’Église accompagne les grands changements de société oui. Mais dans ce cas-là elle se trompe de combat. On ne l’a pas vue pour ArcelorMittal alors que des gens ont reçu une lettre de licenciement juste avant Noël. Derrière tout ça il y a un fort relent d’homophobie. On m’a demandé d’afficher l’annonce de la manif contre le mariage pour tous le 13 janvier à Paris, j’ai refusé.
Et le mariage des prêtres ?
Si je me marie aujourd’hui est ce que ça va me faire changer ? Je pense que oui, ça pourrait transformer l’exercice de ma fonction de curé. En fait, je suis favorable à l’ordination de prêtres déjà mariés qui montrent une certaine stabilité dans leur vie maritale. Selon la tradition Orthodoxe - j’ai fait une partie de mes études dans un institut russe - un prêtre ordonné célibataire le reste, s’il est marié rien n’empêche à ce qu’il accède à la fonction de curé. Moi je suis rentré à 18 ans ; je me sentais prêt depuis mes 11 ans. Mais pour d’autres il faudra plus de maturité avant de s’engager dans une telle fonction et peut-être auront-ils commencé à fonder une famille...
Pensez-vous que c’est à l’Église de dire oui ou non au port du préservatif ?
Pourquoi l’Église devrait mettre son nez là-dedans. Soyons clairs, un couple amoureux s’il fait abstraction d’avoir des enfants passe à côté du bonheur. Eclairons les gens sans les infantiliser. Le bonheur c’est aujourd’hui !
Les paroissiens qui ne sont pas d’accord avec vous, vous le font-ils savoir ?
Ceux qui ne sont pas d’accord avec moi ne viennent pas me le dire directement ; ils écrivent à l’évêque le plus souvent. Ici, ils sont très attachés à la messe. Cette année dans la crèche je n’ai pas mis de petit Jésus mais le livre de la parole. C’est la parole de Dieu qui s’incarne en Jésus. J’ai eu beaucoup de réactions. Mais je les ai tous rassurés : on n’a pas perdu le petit Jésus, il est bien rangé !
Vous semblez très attaché à l’Église...
Je crois encore en mon institution. Elle est en train de se réformer. L’Église n’a pas qu’une voix. Et on n’entend que ceux qui sont contre ! J’ai choisi ma liberté absolue de conscience, j’ai choisi l’Évangile. Je me sens en phase avec mon institution. Je sais que je suis fait pour être prêtre. L’Église avance et se réforme par conciles qui ratifient ce qui se fait à la base.
*Paroisse qui regroupe les communes de Saint-Gervais, Les Contamines-Montjoie, Combloux, Megève, Praz-sur-Arly en Haute-Savoie, et La Giettaz, Flumet, Saint-Nicolas-la-Chapelle, Notre-Dame-de-Bellecombe et Crest-Voland côté Savoie."
Comité Laïcité République
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