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Pédophilie : le lourd bilan de Benoît XVI (Ils ont volé la laïcité de Patrick Kessel - extrait)

par Patrick Kessel, cofondateur et président d’honneur du Comité Laïcité République, ancien Grand Maître du Grand Orient de France. 16 février 2013

Patrick Kessel, Ils ont volé la laïcité, éd. Gawsewitch-Balland, 2012, 224 p., 18,90 e.

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Le prêtre mieux placé que l’instituteur pour enseigner la morale ?

L’Église ne se pose pas en autorité d’une éthique mais en garante d’une morale. Au nom de quelles valeurs, Jean-Paul II puis Benoît XVI en Afrique condamnent-ils l’usage du préservatif alors que la jeunesse est ravagée par le sida ? Et culpabilisant les personnes atteintes par le virus déclare que celui-ci est « une punition du diable ». Des évêques camerounais, dans les années 2000, n’avaient pas hésité à brûler des boîtes de condoms en place publique ! Comment d’un point de vue éthique, assumer la responsabilité d’exposer à la mort des centaines de milliers de jeunes ?

Au nom de quelles valeurs, en mars 2009, l’Église excommunie-t-elle les médecins brésiliens, accusés d’avoir pratiqué une interruption de grossesse sur une jeune fille de 9 ans, violée par son beau-père ? [1]

Mais c’est sur l’exemplarité que le Vatican se fragilise lui-même donnant à voir qu’il n’est pas le mieux placé pour dire la morale.

Évoquant le scandale sexuel qui éclabousse Silvio Berlusconi, le président du Conseil italien, Benoît XVI déclare que les hommes politiques devraient faire preuve « d’une solide moralité et avoir un comportement exemplaire [2] ». Et le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Tarcisio Bertone, se déclare « particulièrement inquiet de ce scandale sur la vie des jeunes [3] ».

Des propos de bon sens auxquels on ne pourrait que souscrire si dans le même temps, l’Église ne fermait les yeux sur des milliers de cas de pédophilie et ne se donnait tant de mal pour dissimuler le cas des prêtres auteurs de ces actes.

Le Vatican « ferme les yeux sur les agissements [4] » du prêtre mexicain Marcial Maciel, à la tête de la puissante congrégation des Légionnaires du Christ (800 prêtres et 2 500 séminaristes dans 22 pays) qui a ouvert des dizaines d’institutions éducatives. Père, polygame, toxicomane, le prêtre est surtout accusé d’actes de pédophilie. Le Vatican dissimule l’affaire depuis des décennies et Joseph Ratzinger était au courant de ses agissements lorsqu’il était encore préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, estime Alberto Athié, coauteur d’un livre sur le sujet, fondé sur plus de 200 documents confidentiels du Vatican. En 2006, Benoît XVI se contentera de demander au père Maciel de se retirer dans « une vie de prière et de repentance ».

Le cas Maciel n’est pas un cas isolé, qu’exhiberaient des personnes mal intentionnées, voulant nuire à l’Église. La répétition des actes pédophiles en si grand nombre, à tout le moins pose question sur le célibat, l’interdit sexuel et la proximité des enfants. Mais c’est la volonté politique et les pressions pour étouffer les révélations qui sont politiquement les plus embarrassantes dès lors que le Vatican donne l’impression de prêcher pour les autres une morale qu’il ne s’applique pas à lui-même.

Au cours des dernières décennies, ce sont ainsi des milliers de cas d’abus sexuels pratiqués par des hommes d’Église sur des enfants que le Vatican a intentionnellement dissimulés à la justice des pays concernés. En Irlande [5], en Belgique [6], en Allemagne, en Autriche [7], aux Pays-Bas [8], au Canada, aux États-Unis [9] ? L’Église se fait si pressante pour essayer d’étouffer les affaires que le ministre allemand de la Justice en vient à révéler publiquement que le Saint-Siège a entravé les enquêtes sur les abus sexuels dans les écoles catholiques. Et de citer, le choeur des chanteurs de Ratisbonne, dirigé pendant trente ans par le frère du pape, Georg Ratzinger. Pression également, pour les mêmes raisons, du Vatican sur le gouvernement de la très catholique Irlande. Au point que celui-ci annonce, en novembre 2011, la fermeture de son ambassade au Vatican. Et dénonce l’attitude de l’Église irlandaise « dans le scandale des crimes sexuels commis par des prêtres et des religieux [10] ».

Dans ces conditions, l’Église peut-elle prétendre exercer un magistère de la morale auprès des enfants ? Le président Sarkozy lui a néanmoins décerné une telle mission, en déclarant qu’il revenait au prêtre, plutôt qu’à l’instituteur, d’enseigner le bien et le mal ! [11]

[2Reuters, 20 janvier 2011.

[3Idem.

[4Le Monde, 19/20 août 2012.

[5En 2009, « le rapport Murphy avait mis en lumière la dissimulation de milliers de cas d’abus sexuels par des prêtres et des religieux durant des décennies ». Un nouveau rapport publié en 2011 révèle que « l’Église a étouffé des faits de pédophilie jusqu’en 2009 » concernant une quarantaine de victimes, Le Monde, 17/18 juillet 2011.

[6Le Primat de Belgique, le cardinal Godfried Danneels reconnaît avoir tenté d’étouffer des affaires de pédophilie et protégé un évêque accusé de viol – Le Monde, 2 septembre 2010 citant le quotidien flamand De Standaard. « Quelque 500 plaintes contre des prêtres ont été officiellement déposées dans le pays, des milliers d’autres se sont produits au cours des dernières décennies » précise Le Monde le 24 décembre 2010. L’âge moyen des victimes, selon le rapport d’un pédopsychiatre, serait de 12 ans.

[7Pour la première fois, un cardinal, l’archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, dont le prédécesseur a démissionné pour une affaire de pédophilie, s’interroge publiquement sur les causes du scandale et met en avant le célibat des prêtres.

[8Une commission d’enquête créée en 2010 par l’Église néerlandaise, dans un rapport déposé en 2011, estime qu’« entre 10 000 et 20 000 mineurs ont été abusés dans des institutions catholiques. » « Un Néerlandais sur dix, âgé de plus de 40 ans a été la victime d’un abus », conclut le rapport. Le Monde, 23 décembre 2011.

[94 400 prêtres pédophiles et 11 000 enfants abusés entre 1950 et 2002 rien qu’aux États-Unis. Quatre évêques présenteront leur démission. Une seule sera acceptée. Le Monde, 17 août 2007.

[10Le Monde, 6/7 novembre 2011.



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