Tribune libre

Pédophilie dans l’Eglise : il faudra bien plus que de la pénitence et de la contrition (F. Martin, 1er sept. 18)

par Frédéric Martin, membre du conseil d’administration du Comité Laïcité République (CLR). 1er septembre 2018

Depuis de nombreux mois, l’Eglise est confrontée à plusieurs affaires graves de pédophilie, mettant en cause un nombre important de ses membres. Le dernier en date a soulevé l’écœurement général : 1000 abus sexuels auraient été perpétrés par 300 prêtres, en Pennsylvanie, pendant plus de 70 ans. Ces crimes auraient été couverts par l’institution, afin d’éviter le scandale. Encore le rapport d’enquête porte-t-il uniquement sur la Pennsylvanie. Qu’en est-il des autres Etats américains ? Qu’en est-il des autres pays dans le monde où le clergé catholique est présent ? On n’ose extrapoler ces chiffres. Ce serait terrifiant. Mais se donne-t-on seulement les moyens de connaître la vérité ?

Le Pape François représente une autorité morale pour des millions de personnes dans le monde. Ses réactions publiques étaient très attendues. Il a choisi de s’exprimer dans une « Lettre du Pape François au peuple de Dieu ».

Le pape François ne nie pas les faits. Il ne les minimise pas non plus. Il « constate, une fois encore, la souffrance vécue par de nombreux mineurs à cause d’abus sexuels, d’abus de pouvoir et de conscience, commis par un nombre important de clercs et de personnes consacrées ».

Mais que propose-t-il ? Quelles mesures concrètes annonce-t-il, celles qui sont de son ressort, en sa qualité de « chef » ? Quelles décisions prend-il afin que l’Eglise catholique et ceux qui sont censés la servir‎ ne puissent jamais être assimilés à une organisation criminelle internationale ? Une collaboration pleine et entière avec la justice, celle des hommes, devant laquelle tous les criminels doivent être jugés ? La communication aux autorités publiques des archives internes concernant toutes ces affaires ? Une réflexion de fond sur les causes d’un si grand nombre d’abus sexuels commis par des membres du clergé ?

Rien de tout cela. A grand renfort de citations de saint Paul, il en appelle au repentir. Il « invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne. » En conclusion de sa lettre, il s’en remet au Saint Esprit. Comment l’Eglise peut-elle prétendre à diriger les consciences quand elle échoue à se gouverner elle-même ? Quand des « ministres de Dieu » se révèlent être "les serviteurs du mal" en ayant détruit des vies ? On peut bien leur donner le bon dieu sans confession, on ne leur confiera pas nos enfants.‎

Une chose positive toutefois, dans la déclaration du Pape, est cet aveu lucide : « Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. » Pour autant, bien des questions concernant la sexualité, comme le libre choix de la naissance ou l’homosexualité, restent toujours tabous pour l’Eglise, justifiant d’opposer l’autorité divine à la loi de la cité.

C’est que l’Eglise travaille avant tout, bien mal, à sa propre gloire. Elle ajoute ici au malheur du monde, comme si le monde ne souffrait pas déjà trop.

Ces crimes, les plus abominables qui soient car ils s’attaquent à l’innocence des enfants, couverts par une hiérarchie complice, doivent être jugés par les hommes. Car pour les réparer, il ne suffira pas de deux avé et trois pater.

Frédéric Martin



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