4 juillet 2015
"Patrick Weil répond aux questions sur l’immigration, la laïcité, l’identité nationale, etc. Rhétorique politiquement correcte agrémentée d’une rare suffisance.
Le meilleur dans le gruyère, ce sont les trous. Quand Patrick Weil nous indique ce qu’il faut penser de la République, de l’identité nationale, de l’immigration de la laïcité etc., le journaliste du Monde qui l’interroge (entre-soi parfait !) et la plupart des grands médias dévorent avec délectation ce gruyère goûtu. Pourtant, le meilleur, ce sont les trous : non ce qu’il dit, mais ce qu’il ne dit pas. Non ce qu’il nous apprend, mais comment il nous endoctrine. Patrick Weil fut chef de cabinet du secrétariat d’État aux immigrants en 1981. Trente ans plus tard, son bilan est admirable. En tout cas, lui en est convaincu. Notre éminent professeur pense toujours que « la lumière a succédé à l’ombre », lorsque la gauche a tourné le dos à la politique de renvoi des immigrés algériens décidée par le président déchu.
Patrick Weil insinue que ce « moment Giscard d’Estaing » fut le retour du refoulé vichyste, alors que ce fut la dernière fois de notre histoire où l’État tenta d’affirmer sa souveraineté, et la liberté de la nation de renvoyer des étrangers (devenus chômeurs) dont elle ne voulait plus, comme elle l’avait toujours fait dans le passé (Weil le reconnaît lui-même). Pour cela, Weil compare - selon une rhétorique inusable - le renvoi des étrangers algériens dans leur pays à la rafle du Vél’ d’Hiv’ : « c’eût été une atteinte inqualifiable au principe de non-discrimination à l’égard de tous les immigrés quelle que soit leur origine. C’eût été… une déportation, sans extermination, et la France n’a pas voulu revivre ça. » Comme si Weil établissait le droit inaliénable d’étrangers à rester sur son sol ; comme si les syndicats, les Églises, les associations d’extrême gauche « étaient la France » et avaient le droit légitime de résister - par l’agitation de rue - à la volonté du président de la République, élu du peuple souverain.
Le professeur Weil estime - comme Najat Vallaud-Belkacem - que l’enseignement de l’histoire de France doit être adapté aux nouvelles populations immigrées pour que nous fassions « histoire commune ».
Mais rien n’arrêtera la mauvaise foi de notre éminent universitaire. Il ose prétendre que « le peuple français a été consulté sur l’immigration plus que sur toute autre politique publique ». Et de donner comme exemple « l’approbation par référendum des accords d’Évian, qui prévoyaient la libre circulation entre la France et l’Algérie » !
Le professeur Weil estime - comme Najat Vallaud-Belkacem - que l’enseignement de l’histoire de France doit être adapté aux nouvelles populations immigrées pour que nous fassions « histoire commune ». Veut rendre « plus complexe » Napoléon, autrement dit rappeler que « l’ogre » a rétabli l’esclavage. Mais il devrait commencer par ne pas oublier que Napoléon abolit l’esclavage lors des Cent Jours. Il ne souhaite pas faire disparaître des programmes Henri IV ou Louis XIV (il est trop bon !) mais veut seulement y ajouter l’abbé Grégoire, Victor Schœlcher, Félix Éboué, Toussaint Louverture et Abd el-Kader.
Dans mon enfance lointaine, on enseignait déjà ces personnages ; mais leur destin était appréhendé en fonction du sort supérieur de la France. Quelles que soient nos origines, nous nous identifiions aux soldats français et non à ceux qui les tuaient. Les enfants venant d’Italie se sentaient Gaulois et non Romains ; les petits venus d’Espagne souffraient avec Roland à Roncevaux, et nos copains kabyles ou juifs d’Algérie étaient ravis que Charles Martel eût « arrêté les Arabes à Poitiers », alors que leurs lointains ancêtres y avaient été vaincus.
C’est bien le sens de « nos ancêtres les Gaulois », et tout le contraire de la version de Weil : « nos ancêtres sur cette terre, les Gaulois ». Cela s’appelait l’assimilation, c’est-à-dire l’identification historique et charnelle - comme si on avait le même « sang » - aux « Français de souche » - par ceux qui venaient d’ailleurs mais « changeaient d’arbre généalogique », selon l’heureuse formule de Malika Sorel. Mais pour Patrick Weil, l’expression « Français de souche » est équivalente de celle de Pétain : « la terre, elle ne ment pas » ; et « être assimilés » signifie « être traités similairement d’abord juridiquement en devenant Français, traités semblablement par les autorités publiques, la police, les hôpitaux, les employeurs, l’école ». Patrick Weil est un Arsène Lupin de la sémantique : le devoir d’assimilation n’est plus l’effort des étrangers pour acquérir les codes culturels et historiques de leur nouvelle nation, mais l’injonction faite aux Français et aux institutions de les traiter avec équité.
Patrick Weil est un personnage proustien. Lui qui ne cesse de dénoncer chez les autres, avec un mépris gourmet, un trauma historique, lié à la guerre d’Algérie en particulier, a bloqué son propre imaginaire historique entre 1880 et 1940, entre l’affaire Dreyfus et Vichy
La montée en puissance de l’islam dans les banlieues et les derniers attentats djihadistes n’entament pas sa bonne conscience. « Les auteurs d’attentats doivent être mis à part. » Ils sont des « perdants radicaux » dont la « religion n’est pas la cause initiale, mais le catalyseur d’une tension et d’une frustration latente ». Notre professeur use et abuse de cet insupportable langage psychanalytique. Les contradicteurs de Patrick Weil comme les djihadistes sont tous mis dans le même sac psychiatrique. Il faut être fou pour ne pas être d’accord avec Patrick Weil. Les djihadistes tuent au nom d’Allah et du Coran, mais ils ne savent pas ce qu’ils font. Patrick Weil, lui, sait : « ils ne doivent pas être associés à la montée de la religiosité, d’une religiosité visible soit dans les quartiers où habitent nos compatriotes musulmans, soit ailleurs dans la sphère publique, l’emploi ou la vie quotidienne. »
Il faut se parler. Mettre une armée de psychanalystes et psychiatres et assistantes sociales derrière chaque délinquant musulman et ouvrir des bibliothèques 24 heures sur 24 ! Patrick Weil nous l’affirme sans rire. Les braves garçons qui crient mort aux Juifs, et parfois tuent, sont en manque de « respect, dialogue, compréhension ». En revanche, le danger mortel, la haine antisémite et raciste intacte, se niche encore et toujours dans ces quartiers bourgeois où, Weil nous le conte avec une émotion frémissante, on rumine le message maurrassien. Patrick Weil est un personnage proustien. Lui qui ne cesse de dénoncer chez les autres, avec un mépris gourmet, un trauma historique, lié à la guerre d’Algérie en particulier, a bloqué son propre imaginaire historique entre 1880 et 1940, entre l’affaire Dreyfus et Vichy. Il ne cesse de guerroyer contre Maurras et Pétain. Et comme les armées françaises préparaient en 1940 l’affrontement de 1914, Patrick Weil mène les combats du passé sans rien voir de la guerre qui vient."
Comité Laïcité République
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