4 avril 2016
"L’ancien journaliste Patrick Kessel, président du comité Laïcité République, membre de l’Observatoire national de la Laïcité, sera l’invité du comité 1905 Rhône-Alpes mercredi 16 mars à 20 h. Il animera une conférence sur la liberté d’expression à la Maison du Département de Bourgoin-Jallieu.
Quel est le rôle du comité Laïcité République que vous présidez ?
« Cette association est née au moment de la première affaire du port du voile, il y a 25 ans. Elle avait débouché sur “L’Appel des 5”, signé notamment par Élisabeth Badinter. Le comité défend la laïcité via la loi qui interdit aux élèves tous les signes religieux à l’école. Elle n’est pas toujours bien appliquée dans le service public . On a vu l’exemple de cette mairie qui voulait installer une crèche de Noël dans son jardin. La loi ne prévoit rien dans les universités par exemple qui sont simplement régies par des règlements. La loi ne dit rien non plus pour les entreprises. Aujourd’hui, il y a débat sur l’article 6 [de la loi de réforme] du Code du travail. Mais que faire quand un salarié refuse de serrer la main d’une femme ou réclame une pause pour faire sa prière ? Est-ce qu’une charte ou une décision de justice (comme dans l’affaire de la crèche Baby Loup) a une valeur légale ? Au Comité, nous pensons qu’il faut clarifier les lois. Nous défendons la laïcité, pas par dogmatisme mais pour éviter que son absence ne fasse le lit du Front national. »
Tout cela est sensible politiquement ?
« Oui même si cette question concerne tout le monde, à gauche, comme à droite. Samedi, nous allons lancer “le Printemps républicain” lors d’un meeting à Paris pour peser sur l’élection présidentielle et réclamer une république laïque et sociale. Il ne faut pas éluder la question sociale. Quand on voit que des jeunes Françaises de 14 ans cherchent à partir faire le djihad en Syrie, cela pose question sur l’avenir de la jeunesse…
Nicolas Sarkozy avait posé en son temps la question de l’identité nationale. Être français, ce n’est pas l’identité blanche, catholique et romaine que veut nous vendre le Front national. On est Français dès lors qu’on se reconnaît dans les valeurs de la République française dont fait partie la laïcité. Précisons que la laïcité n’est pas antireligieuse. La loi de 1905 dit que la République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte. Cela ne signifie pas que la République ne discute pas avec les Églises. »
La loi sur la laïcité n’est pas la même dans tous les départements français. Pourquoi ?
« Oui, il y a des disparités dans les territoires concordataires, comme l’Alsace et la Moselle, ou la Guyane. En Alsace et en Moselle, la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, mettant fin au Concordat de 1801, a été votée alors que ces régions étaient rattachées à l’Allemagne. La loi de 1905 n’est donc pas appliquée dans ces départements. Les quatre cultes catholique, luthérien, réformé et juif y bénéficient d’un statut officiel. Les musulmans n’ont pas ces droits puisqu’ils n’étaient pas présents à l’époque en France. Les prêtres, pasteurs et rabbins sont rémunérés par l’État. En clair, les impôts des Français servent à rémunérer les prêtres alsaciens ! Par ailleurs, dans les lycées publics alsaciens, l’enseignement des religions est obligatoire. Nous demandons qu’il devienne facultatif. »
Quel regard portez-vous sur la mobilisation survenue après les attentats contre Charlie Hebdo, où la liberté d’expression a été mise à mal ?
« Au-delà de la barbarie, on a assisté au lendemain des attentats à un sursaut du peuple français. Mais on a vu une déchirure culturelle avec les anti-Charlie. Et c’est cette déchirure qui nourrit le FN. »
Recueillis par Célia LOUBET
Conférence sur la liberté d’expression avec Patrick Kessel, mercredi 16 mars à 20 h à la Maison du Département de Bourgoin-Jallieu. Entrée et participation libres."
Voir "Patrick Kessel : la laïcité, un rempart contre le FN".
Voir aussi Conférence-débat "La Liberté d’expression", avec Patrick Kessel (Bourgoin-Jallieu, 16 mars 16) (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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