29 avril 2015
Plus que jamais la laïcité est au coeur des enjeux de société et constitue le meilleur moyen de lutte contre l’extrême droite qui s’installe de plus en plus dans le paysage politique. Aussi convient-il de la soutenir et de la renforcer alors que des voix à droite mais aussi à gauche s’élèvent pour l’affaiblir, parfois même la menacer.
Tel est le principal message adressé par Patrick Kessel, Président du Comité Laïcité République, à l’occasion d’une conférence-débat organisée samedi 25 avril dernier à la mairie de Foix par la Libre Pensée.
La Laïcité, fruit de la philosophie des Lumières, constitue la clé de voûte de la République dont les principes sont la liberté absolue de conscience et l’égalité des droits et des devoirs, quelles que soient l’origine, la couleur de peau, les appartenances religieuses, philosophiques, politiques de chaque citoyen. A ceux qui prétendent enfermer les individus dans les déterminismes de leurs communautés de naissance ou de croyance, elle oppose une fraternité universaliste. Elle garantit la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer une religion - dans la limite du respect des lois républicaines et de l’égalité, en particulier entre hommes et femmes -, d’en changer, de n’en pratiquer aucune, de les critiquer, de dénoncer les clergés lorsqu’ils prétendent imposer leurs dogmes à tous.
A ceux qui affirment que ces problèmes relèvent du passé, rappelons les pressions exercées contre le mariage pour tous, la révision des lois de bioéthique, le droit à mourir dans la dignité. Rappelons encore les récentes tentatives européennes du Vatican pour abroger le droit à l’IVG ou faire interdire la liberté de blasphémer par les Nations Unies.
Ces principes de liberté de conscience et d’égalité des droits semblaient globalement acquis. Mais désormais, certains estiment qu’ils sont obsolètes et voudraient que la République les renégocie au nom d’un droit à la différence qui débouche inéluctablement sur une inquiétante différence des droits. La déchirure sociale, mais aussi la déchirure culturelle dont témoignent ces jeunes qui affichent des identités, religieuse ou communautaire - blacks, blancs, reubs, feujs, régionalistes, tribales - en lieu et place d’une appartenance citoyenne, fragilisent cet équilibre institué par la loi de séparation des églises et de l’Etat.
La confusion s’est imposée dans les têtes. La Droite a porté de rudes coups à la laïcité, en particulier sous la présidence de Nicolas Sarkozy. On se souvient du discours de Latran plaçant le prêtre au-dessus de l’instituteur ou des lois Carle aggravant la loi Debré sur le financement public des écoles privées. Une partie de la Gauche a cédé aux atermoiements coupables alors que la laïcité participe de sa culture et de son histoire. Jaurès ne déclarait-il pas que "le socialisme, c’est la République jusqu’au bout" ? Au fil des ans, la laïcité, à l’école publique, dans les hôpitaux, les services publics, a été fragilisée par une interprétation de plus en plus "libérale" de la loi de 1905. Celle-ci a ainsi été trop souvent contournée, en particulier en matière de subventions aux écoles privées et aux associations dites culturelles qui ne sont souvent que le faux-nez d’associations cultuelles.
La communautarisation de la société a donné à la problématique une dimension nouvelle que les différentes associations laïques interprètent différemment. En droit, la loi de 1905 ne concerne que les services publics. Mais la laïcité d’Etat n’épuise pas le concept de laïcité, selon la formule de Catherine Kintzler. La question se pose concrètement dès lors que les revendications communautaristes perturbent le fonctionnement de crèches, d’hôpitaux, d’universités et aussi d’entreprises en mettant en cause, ici la liberté de conscience des enfants, là, l’égalité entre hommes et femmes.
Le déni n’est pas une solution. Tout ne se réduit pas, pour importante qu’elle soit, mécaniquement, à la question sociale. Il y a des problèmes de laïcité en France. Il serait pour le moins paradoxal que seule la liberté religieuse trouve droit de cité hors le secteur public ! Il convient de chercher ensemble des solutions, d’autant que l’extrême droite s’en nourrit pour banaliser la stigmatisation et le racisme. C’est un vrai débat qu’il nous faut mener entre laïques, sans anathèmes, sans polémiques inutiles qu’instrumentalisent les ennemis de la laïcité.
Les attentats barbares de janvier contre les caricaturistes de Charlie, contre des juifs parce que juifs, contre des policiers qui protégeaient des citoyens, ont voulu briser ces principes républicains, au premier rang desquels la liberté absolue de conscience. L’émouvant sursaut populaire a témoigné de l’attachement profond de nos concitoyens à ces principes qui, seuls, permettent un réel vivre ensemble et non dans des ghettos qui ne peuvent que s’affronter.
Mais bien vite, la confusion, la fracture culturelle et les attaques contre la laïcité sont réapparues avec pour objectif d’affaiblir la loi de séparation alors qu’il conviendrait d’assurer son application pour tous et sur tout le territoire national, en abrogeant le concordat.
Les musulmans, mis en avant par ceux qui veulent “moderniser” la laïcité et élargir la “liberté religieuse”, pour l’immense majorité d’entre eux, ne demandent aucune adaptation de la loi de 1905. Ils sont et veulent être des citoyens comme les autres, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs et, en aucune sorte, être réduits à une dimension religieuse qu’ils sont libres de pratiquer ou non, à leur convenance, dans le seul respect de la loi. Et chaque citoyen, sans distinction d’aucune sorte, doit demeurer libre de critiquer cette religion comme toute autre, sans être taxé de christianophobe, d’antisémite ou d’islamophobe !
Le hold-up que l’extrême droite a tenté sur la laïcité, stigmatisante pour une seule confession, ne saurait nous faire oublier qu’elle a toujours défendu une France blanche, catholique, apostolique et romaine. La laïcité, elle, promeut, une citoyenneté de fraternité entre toutes et tous et l’émancipation pour chacun. Une guerre est bien en cours entre l’universalisme et le communautarisme, entre les défenseurs des Lumières et les tenants du choc des civilisations.
C’est cet idéal que partagent les peuples affrontés aux totalitarismes, les femmes, en particulier, éternelles premières victimes des intégrismes obscurantistes. L’actualité témoigne de l’ardente nécessité d’un sursaut de la laïcité face à la barbarie et, ici et maintenant, d’une forte mobilisation en faveur d’une République sociale et laïque, a conclu le Président du Comité Laïcité République.
Comité Laïcité République
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