Revue de presse

P. Bruckner : « Ces activistes qui prétendent faire la police des mots » (lefigaro.fr , 1er déc. 20)

Pascal Bruckner, philosophe, auteur d’ "Un Coupable presque parfait" (Grasset, 2020). 4 décembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Pascal Bruckner, Un Coupable presque parfait. La construction du bouc émissaire blanc, éd. Grasset, 2020, 352 p., 20,90 e.

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"[...] Nous entrons dans l’aventure nord-américaine de « l’appropriation culturelle » : certains mots, certaines attitudes seraient réservés à des minorités précises et n’auraient plus le droit d’être utilisées par d’autres catégories de la population, essentiellement les Blancs. « L’appropriation culturelle » : le fait pour un homme de parler à la place des femmes ; d’un hétérosexuel des personnes LGBT ; d’un Blanc, c’est-à-dire d’un dominant de s’exprimer au nom des groupes opprimés, noirs, arabes, indiens, etc.

Tout ce bric-à-brac qui nous vient des États-Unis et du Canada - même le Québec est tombé dans l’escarcelle idéologique de son grand voisin - est en train de contaminer la France à la manière d’un virus. Ainsi il est déconseillé par exemple de vendre des burritos si l’on n’est pas mexicain. En 2017 un couple d’Américains « blancs » de la côte ouest qui avait ouvert un camion restaurant vendant de tels produits reçut des menaces de mort et dut fermer son commerce. Interdiction également faite à un Blanc de porter des dreadlocks qui appartiennent à la culture jamaïquaine, de pratiquer « l’appropriation capillaire » ou de chanter la musique des Noirs, interdiction de faire du yoga, pratique gymno-respiratoire des sociétés jadis colonisées. Il s’agit dans tous les cas de larcins effectués contre d’anciens réprouvés. [...]

Avant d’interdire l’usage de certains mots, peut-être faudrait-il s’informer de la réalité qu’ils recouvrent. Aucun groupe humain ne détient le monopole de la souffrance ni ne peut se dire propriétaire du langage. Le mot pogrom qui touchait les Juifs en Russie, Ukraine et Europe orientale est appliqué désormais à toute communauté qui en est la victime, qu’elle soit chrétienne, musulmane, hindoue, bouddhiste ou animiste.

Le terme de génocide forgé en 1943 par le juriste polonais Raphael Lemkin a désigné bien sûr l’extermination des Juifs et des Tziganes par les nazis mais aussi rétrospectivement le massacre des Héréros en Namibie par les troupes du maréchal Von Trotha à partir de 1904, le génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéens par le pouvoir turc entre 1915 et 1922 ainsi que l’élimination des Tutsis par les Hutus en 1994 au Rwanda.

Il est désolant que l’antiracisme à la française puise désormais son inspiration outre-Atlantique, dans une nation qui réduit trop souvent les rapports humains à la couleur de peau ou à l’ethnie. On y est rivé à ses racines comme l’huître à son rocher. Défense de sortir de soi, chacun est incarcéré dans sa geôle communautaire et même le langage est soumis à ce séparatisme identitaire : les mots de sa tribu ne sont pas ceux de la tribu voisine. Fin du concept d’humanité comme unité du multiple, triomphe de l’enclos comme assemblage d’espèces incompatibles. [...]"

Lire "Pascal Bruckner : « “Lynchage”, ces activistes qui prétendent faire la police des mots »".


Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique "Appropriation culturelle" dans Liberté d’expression : culture et la rubrique Etats-Unis : "politiquement correct". (note du CLR).


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