Revue de presse

P. Boistard : "J’attends que l’Observatoire se saisisse du sujet des droits des femmes" (marianne.net , 28 jan. 16)

Pascale Boistard, secrétaire d’Etat aux droits des femmes. 28 janvier 2016

Pour la secrétaire d’Etat aux droits des femmes, Pascale Boistard, la défense de ces droits est "grandement liée à la défense de la laïcité". Or, sur ce sujet, "nous faisons face à des reculs préoccupants".

Marianne : Dans le cadre de votre mission, avez-vous souvent affaire à des questions ayant trait aux problématiques de laïcité ?

Pascale Boistard : Oui, bien sûr. La lutte pour la défense des droits des femmes est, par son histoire même, grandement liée à la défense de la laïcité. Les grandes avancées du combat féministe, les grandes lois, les grands changements, se sont toujours faits contre les levées de bouclier des religions. Et oui, aujourd’hui encore, cette question se pose avec force. D’ailleurs, permettez-moi de tirer la sonnette d’alarme : sur ce terrain-là, c’est à dire à la jonction entre laïcité et droits des femmes, nous faisons face à des reculs préoccupants. Ce qui me revient du terrain via les associations, mais aussi ce que je peux constater en tant qu’élue, et en tant que citoyenne, c’est que la question de la place des femmes dans l’espace public, notamment, est un sujet dont personne ou presque ne parlait et qui pourtant est extrêmement fort depuis une dizaine d’années.

Marianne : C’est à dire ?

Pascale Boistard : Il y a sur notre territoire des zones où les femmes ne sont pas acceptées, où elles ne sont pas respectées, et où elles sont quasiment obligées de vivre avec cette donnée comme un désagrément du quotidien. Et tout le monde semble trouver cela plus ou moins normal. Si j’ai tenu, par exemple, à lancer un plan national de lutte contre le harcèlement sexiste les violences sexuelles dans les transports c’est que les insultes, les attouchements, les agressions étaient trop souvent passées sous silence. Ce qui fait que les femmes se retrouvent seules face à ces situations. Dans beaucoup de quartiers, les femmes sont cantonnées à certains espaces (le foyer, la sortie d’école…) et quasiment absentes d’autres, comme les lieux sportifs, ou les lieux de convivialité. Est-il normal que dans certains endroits, vous ne trouviez aucune femme dans les cafés ? Il y a une forme de morale mal placée, souvent exercée par des groupes minoritaires sur une majorité, et qui conduit à ce que l’espace public, censé appartenir autant aux hommes qu’aux femmes, se retrouve restreint pour les femmes. [...]

Evidemment, ces dernières années, on parle davantage de la religion musulmane, mais dans sa pratique la plus radicale, dans ses revendications « politiques », qui sont loin de concerner la majorité des Français musulmans. Moi, je suis une enfant issue de l’école républicaine depuis la maternelle jusqu’à l’enseignement supérieur, en Seine Saint Denis, et je ne reconnais plus l’ambiance et les modalités de fonctionnement qui prévalaient alors. Il y avait dans les familles que je côtoyais, une éducation parfois très stricte, avec une certaine religiosité à la maison, mais il n’y avait pas cette séparation filles/garçons telle qu’elle grandit aujourd’hui. On allait à la sortie du lycée au café, filles et garçons ensemble. Il y avait cette mixité qui opérait.

Marianne : Sur ces questions-là, vous arrive-t-il de travailler en collaboration avec le fameux Observatoire de laïcité, qui a été au centre des débats la semaine dernière ?

Pascale Boistard : Je travaille beaucoup avec le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, je constate que l’Observatoire de la laïcité s’est encore peu saisi de cette question des droits des femmes. Peut-être ses membres étaient-ils absorbés par d’autres sujets. En tout cas, j’espère que nous allons pouvoir corriger cela. J’attends que l’Observatoire se saisisse du sujet des droits des femmes et en particulier de la question de leur présence dans l’espace public. Les associations, qui sont notamment en contact avec des adolescents et des adolescentes constatent elles aussi qu’il peut y avoir de gros reculs, de fausses idées véhiculées avec des discours extrêmes. Des tentations, aussi, dans certains établissements scolaires de flirter au maximum avec les règles en matière de signes religieux. [...]

Marianne : En vous écoutant, on a l’impression que vous êtes d’avantage dans le camp de Manuel Valls que dans celui de Jean-Louis Bianco…

Pascale Boistard : Je suis membre d’un gouvernement qui fait de la laïcité une valeur cardinale. La laïcité, c’est la laïcité. Et je pense que si l’on montre sur cette question une forme de relâchement, ce sont des droits fondamentaux, comme ceux des femmes, qui peuvent être remis en cause. En tout cas, les coups de boutoir sont de plus en plus nombreux. J’entends ceux qui accusent la laïcité d’être « liberticide ». Je leur réponds : laisser porter atteinte aux droits des femmes, c’est laisser porter atteinte aux libertés de plus de la moitié de la population."

Lire "Pascale Boistard : "Il y a sur notre territoire des zones où les femmes ne sont pas acceptées"".



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