15 janvier 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Houellebecq et l’islam : un petit air de déjà-vu, par Pierre Assouline".
"Embrassons-nous Folleville ! Au lieu d’un mauvais Labiche, la scène qui aurait pu se jouer devant un tribunal entre Michel Houellebecq et l’islam de France n’aura finalement pas lieu. Elle aurait eu un petit air de remettez-nous ça. Le procès n’aurait pourtant rien eu de littéraire. Il y aurait été question de ses propos parus à l’occasion d’un copieux entretien croisé avec le philosophe Michel Onfray dans un hors-série de sa revue Front populaire. Il lui était reproché par Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, une "provocation à la haine contre les musulmans". Celui-ci l’avait accusé de tous les essentialiser comme des islamistes et d’appeler les Français à prendre les armes contre eux : "[…] Le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, c’est qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien autre solution, qu’ils s’en aillent", y assurait l’écrivain. [...]
C’était en septembre 2001. Le romancier venait de publier Plateforme. A cette occasion, le magazine Lire consacra plusieurs pages à un entretien accordé au journaliste Didier Sénécal. Ils passèrent toute la soirée à discuter à bâtons rompus : "[…] Et la religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré […] L’islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition […] Le matérialisme est un moindre mal. Ses valeurs sont méprisables, mais quand même moins destructrices, moins cruelles que celles de l’islam." Il faut au moins lui reconnaître de la suite dans les idées. Plusieurs associations musulmanes ou antiracistes à commencer, déjà, par la Grande Mosquée de Paris et celle de Lyon, portèrent plainte. En ce temps-là, l’écrivain était soutenu par la critique de gauche qui applaudissait à chacun de ses livres. L’audience se déroula de 13 h 30 à 22 heures en présence de très nombreux journalistes français et étrangers devant la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris. Je me trouvais également sur le banc d’infamie in solidum en tant que directeur de la rédaction de Lire.
Michel Houellebecq se montra d’une parfaite lâcheté. Au lieu d’affronter les représentants des organisations musulmanes qui lui faisaient face, il se défaussa sur le magazine, prétendant en dépit des preuves irréfutables (bande magnétique, etc.) que son interview avait était truquée, qu’on avait sorti des phrases de leur contexte (air archiconnu), que ses propos avaient été tenus dans le cadre d’une œuvre de fiction (métaphore inédite pour désigner tant une interview qu’un bistro), qu’on l’avait fait boire (comme s’il avait besoin qu’on l’y aide !) et que, de toute façon, il changeait souvent d’avis. Les magistrats suivirent le parquet et, au nom de la liberté d’expression, Houellebecq et Lire furent relaxés.
Vingt-deux années ont passé. Il ne fait plus la couverture des Inrocks mais celle de Valeurs actuelles. Seuls les naïfs s’imaginent encore qu’il a évolué ou retourné sa veste, ce qui les dispense de s’interroger sur leur propre aveuglement. Car il est d’une absolue fidélité à ce qu’il a toujours été : un décliniste profondément réactionnaire, menteur et provocateur, bien plus malin que ses admirateurs. S’agissant de l’islam, il n’a pas bougé d’un iota. Il aurait été néanmoins intéressant d’observer les suites de ce nouveau procès. Il aurait agi comme un reflet de l’air du temps. En 2001, le tribunal avait débouté les plaignants au motif que les propos incriminés relevaient du droit à la critique des doctrines religieuses. Qu’en aurait-il été cette fois dans une société où les notions d’identité, d’assimilation, d’islamophobie sont en permanence controversées ?
La première fois, le procureur de la République estimait que les propos de Michel Houellebecq visaient l’islam et non les musulmans, ce qui n’est pas le cas de la récidive. Vingt-deux après, la société a changé. Mais pas l’écrivain. Mais le procès n’aura pas lieu, hélas. L’écrivain et le recteur de la mosquée se sont parlé. Le premier a accepté de supprimer ou nuancer les propos les plus offensants de son dialogue à sa parution prochaine en librairie ; le second a donc suspendu sa plainte. Dommage que Michel Houellebecq se soit une fois de plus défilé. On l’aurait peut-être entendu alléguer qu’il voulait simplement venger sa race. Mais ça ne lui aurait pas valu le prix Nobel de littérature."
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Michel Houellebecq,
M. Houellebecq : Dans Soumission, « j’avais deviné que l’Université serait un des premiers lieux de la collaboration avec l’islamisme » (Front populaire, hors-série, déc. 22),
M. Houellebecq : Après la messe, « il y a une descente, un peu comme avec l’héroïne » (Front populaire, hors-série, déc. 22) dans Religions, églises,
M. Onfray : « J’ai aidé ma compagne à mourir » (Front populaire, hors-série, déc. 22) dans Fin de vie (note du CLR).
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