Revue de presse

« Nul ne peut se prévaloir de souffrances qu’il n’a pas subies » (R. Rabinovitch, lepoint.fr , 21 sept. 21)

Ruben Rabinovitch, psychologue et expert auprès de la Fondation Jean-Jaurès. 27 septembre 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] Le wokisme et la cancel culture ont érigé le statut de victime, la domination et les enjeux identitaires comme unique grille de lecture de nos sociétés. Dans un pacte tacite entre « descendants de victimes », de l’esclavage, de la colonisation, du patriarcat, et « descendants de bourreaux », cette nébuleuse affirme sa pureté morale et persécute ceux qui ne partagent pas sa vision du monde. Ainsi assiste-t-on à des grands-messes obscènes, où des descendants d’esclavagistes putatifs – sans doute du seul fait qu’ils soient blancs de peau se repentent de crimes qu’ils n’ont pas commis devant des descendants d’esclaves qui n’ont jamais souffert de l’esclavage. Entre ces indignes et ces indignés, c’est un « match » parfait comme on dirait aujourd’hui sur les applications de rencontres.

C’est une forme de relation amoureuse ?

Le vieil Occidental qui ne jouit que par l’autopunition et le jeune minoritaire aux tendances paranoïaques forment une folie à deux. Ce tandem sadomaso, pourtant largement minoritaire dans l’opinion publique, s’unit pour faire régner la loi du plus faible sur la majorité silencieuse. Difficile de ne pas y voir une érotisation de la culpabilité, une quête victimaire et une idolâtrie de l’identité, qui fractionnement la société en factions rivales, antagonistes et haineuses. La Grèce antique pratiquait le culte du héros, notre Occident mortifié celui de la victime : Achille et Ulysse ont été remplacés par Leonarda et Greta Thunberg.

Tout cela s’appuie sur une vision très manichéenne et très polarisée du monde… Est-ce la déclinaison des radicalités de l’époque ?

L’une des grandes plus-values de la radicalité est souvent de parvenir à faire passer inaperçue l’indigence intellectuelle. Le manichéisme est le royaume du binaire, le donjon du « 2 » : bourgeois ou prolétaires, dominants ou dominés, racistes ou antiracistes, machistes ou féministes, bourreaux ou victimes… C’est la logique du « eux » ou « nous ». Nous sommes devant un univers mental sans contradiction interne où la nuance y est considérée comme l’apanage des pisse-froid. Le manichéisme, sur le plan politique, est assimilable à ce que la psychanalyste d’enfants Mélanie Klein a désigné sous le concept de « clivage », un mécanisme primitif de défense contre l’angoisse. Il s’agit là de séparer hermétiquement le bon du mauvais, l’amour de la haine, la pureté de la souillure…

Est-ce le même mécanisme ?

Les logiques totalitaires et paranoïdes ne se fondent pas sur autre chose. Il n’y a rien de nouveau dans ce processus psychique, seulement, il faut s’inquiéter de l’émergence de mouvements politiques structurés autour de cette division amis/ennemis. Quand un camp politique considère qu’il n’a plus d’adversaire mais seulement des ennemis, l’empathie et la mansuétude pour ses opposants disparaissent vite, et tous les déchaînements barbares sont alors encouragés au nom de la vertu. [...]

On pourrait se demander si, à voir du racisme partout, certains grands inquisiteurs antiracistes, les social justice warriors comme ils se désignent eux-mêmes, qui traquent avec une obsession et une compulsion quasi maniaques des traces de racisme chez les autres, ne seraient pas eux-mêmes angoissés de l’être. En culpabilisant tous ceux qui passent à leur portée, ils cherchent à s’ériger, eux, en inculpabilisables. En tout état de cause, le crime qu’une société condamne avec le plus de sévérité et de férocité signale son plus profond désir. Avant-hier, le parricide, hier, la pédophilie et, aujourd’hui, le racisme. Que chacun en tire ses propres conclusions. [...]"

Lire "Wokisme : « Nul ne peut se prévaloir de souffrances qu’il n’a pas subies »".


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