Natacha Polony, journaliste, présidente du Comité Orwell, auteur de "Nous sommes la France" (Plon). 31 juillet 2016
"Le 13 juillet 2016 paraissait au Journal officiel un décret portant création de la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme. Une médaille ! Avec des rameaux d’olivier pour « symboliser la paix » et la statue de la place de la République pour faire « esprit du 11 janvier ». Gageons que le père Jacques Hamel, égorgé en son église, pourra y prétendre. De même que les enfants massacrés le 14 juillet. Face à la haine, telle est la réponse du gouvernement de la France : une médaille aux victimes.
Le président souhaitait leur attribuer la Légion d’honneur mais le grand chancelier a refusé car celle-ci récompense uniquement des actions pour la France. De fait, la seule action que nous proposent nos gouvernants, c’est de nous faire tuer. De demeurer des victimes. Surtout pas des combattants, ou simplement des hommes libres, car cela risquerait d’« attiser les tensions ».
Il faut donc « faire bloc », nous dit François Hollande. Comme un troupeau de moutons bien compact. Parce que le combat désunit ? C’est l’inaction, nourrissant la peur et le sentiment d’impuissance, qui fracture la société et non les critiques à l’encontre du pouvoir. L’inaction, et surtout le lâche aveuglement de ceux qui refusent de comprendre la nature de cette guerre qui nous est livrée.
Ainsi donc, il s’est trouvé des magistrats pour estimer qu’un garçon de 19 ans qui avait tenté par deux fois de rejoindre Daech pouvait être lâché dans la nature avec un simple bracelet électronique et une restriction de ses heures de sortie. Espérons qu’ils dorment mal. Comme doit mal dormir cette ministre de la Justice dont la première action en 2012 fut de geler des constructions de prisons.
Le débat qui surgit à présent semble plus aberrant encore. « Préserver » ou non l’État de droit. Aberrant, car l’alternative n’est pas entre l’abolition de l’État de droit et les effarantes promenades de santé de djihadistes avec bracelet. Notre premier ministre ne nous explique-t-il pas à grand renfort de sourcils froncés que nous sommes en guerre ? Dans ce cas, c’est le droit de la guerre qui s’applique. Et quiconque cherche à se rendre en Syrie, ou même professe quelque allégeance à l’État islamique, est coupable d’intelligence avec l’ennemi. Trente ans de réclusion selon notre Code pénal.
Allons plus loin : si nous sommes en guerre, il serait même en théorie possible d’établir sur le territoire national des tribunaux militaires. Tout cela existe déjà dans notre arsenal juridique, et l’on ne sache pas que la France soit sortie de l’État de droit. Encore faut-il ne pas se payer de mots mais assumer ses responsabilités. Responsabilités de nos politiques pour affirmer qu’il existe en France des ennemis de l’intérieur (non, on ne désigne pas « les musulmans » dans leur ensemble), ces mosquées diffusant une idéologie salafiste dont certains sociologues nous expliquent doctement qu’elle est « quiétiste ». Responsabilités de nos juges (car nul ne souhaite, évidemment, l’établissement de tribunaux militaires) pour se libérer de leur idéologie (ou de leur naïveté) et comprendre qu’ils ont face à eux des combattants rompus à l’art de la dissimulation et non de malheureux enfants perdus ; bref, pour rendre enfin la justice au nom du peuple français.
Hélas, nos élites préfèrent gloser sans fin sur « l’unité nationale » quand ce sont leurs tentatives pathétiques d’habiller le réel qui risquent de la rompre et de mener à toutes les réactions inconsidérées. Mais n’est-ce pas ce que certains espèrent : l’action folle d’un militant d’extrême droite, ou d’un simple citoyen indigné perdant son sang-froid, qui permettrait de brandir le spectre du racisme et de réduire au silence aussi bien les candidats à la primaire de la droite qui se poussent du col après des années d’inaction que les intellectuels courageux qui appellent à la résistance par la laïcité, l’intégration et la transmission. Mais il est vrai que tous ces Cassandre qui tirent le signal d’alarme depuis des années ne sont que d’affreux islamophobes…
Les Français ne veulent pas d’une médaille pour leurs morts. Ils ne veulent pas vivre dans un pays où l’on envisage de décorer leur enfant assassiné par un forcené entré en barbarie religieuse. Ils veulent qu’on décore les héros ; qu’on cesse de dénigrer le patriotisme et les valeurs civilisationnelles qui guident ces héros ; qu’on honore les policiers qui ont affronté des terroristes au Bataclan, à Nice ou à Saint-Étienne-du-Rouvray plutôt que de laisser les forces de l’ordre insultées par des affiches ignobles de la CGT.
Les Français aimeraient voir les imams de France appeler enfin à une immense manifestation contre ceux qui salissent leur religion et croient trouver des vierges au paradis. Oui, cela aurait fière allure. Certes plus que les discours inaudibles du vice-président du Conseil français du culte musulman, qui répète à l’envi que « ce ne sont pas des musulmans » parce que « l’islam, c’est la paix ».
Les Français ne veulent pas être des victimes décorées, mais des femmes et des hommes debout."
Comité Laïcité République
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