27 octobre 2009
"Je ne connais Daniel Lindenberg qu’à travers son don pour les polémiques stériles, et son engagement idéologique qui accentue un aveuglement qui n’a d’égal que les liens contre nature tissés par certains représentants de l’extrême gauche avec les tenants de l’islam politique.
Après sa sortie, pour le moins inopportune, de 2002, il essaye de rééditer le coup, en cette rentrée 2009, en signant son Procès des Lumières [...].
En vérité, pour répondre à son « œuvre », il faut écrire un livre. Mais je vais me satisfaire d’une réaction sur un point en particulier : sa charge contre les musulmans progressistes et sa volonté visible de dénier à ces mêmes musulmans démocrates – y compris lorsqu’ils se disent croyants – le droit légitime de dénoncer certaines dérives ou certains excès commis au nom de leur religion. A ce propos, une première remarque s’impose, tant son goût immodéré pour les listes se transforme, chez lui, en une fâcheuse obsession qui fait de cet « universitaire » français quelqu’un qui utilise davantage l’énumération de noms à ostraciser que l’argument intellectuel. Mais passons, car même si, cette fois-ci, je figure en bonne place sur ces fameuses listes, je n’en fais pas pour autant une affaire personnelle, tant son attaque frise le ridicule : je serais, à l’en croire, ni plus ni moins, qu’un « pilier de toutes les chapelles néoconservatrices en France » (rien que cela !) alors que d’autres, de culture islamique, mais s’étant déclarés incroyants, deviennent aux yeux de Lindenberg les alliés objectifs des discours incarnés généralement par les extrêmes droites européennes.
C’est ainsi que l’ex-députée néerlandaise d’origine somalienne Ayaan Hirsi Ali (ex-musulmane aujourd’hui athée), Oriana Fallaci (proche de la droite catholique), Bat Ye’or (d’origine juive égyptienne) ou moi-même (croyant, mais profondément attaché à la laïcité) sommes mis dans le même sac de « néoconservateurs » qui soutiendraient les idées xénophobes. Il y a chez Lindenberg cette façon de mélanger des personnes parfois opposées, qui permet à notre auteur de s’entêter à entretenir la thèse simpliste et insupportable du « tout se vaut ».
Aussi, pour lui, nulle différence ne peut exister entre les racistes d’extrême droite qui s’attaquent à tous les musulmans, le démocrate qui dénonce le fanatisme, et la féministe dont les parents sont musulmans et qui avoue son rejet de sa religion.
Cette manière d’analyser les choses, irresponsable et volontairement fort approximative, fait ressortir en réalité ce racisme si particulier, si pernicieux, cette incompréhensible suffisance qui se cache, tel le Diable, dans les idées d’une partie de l’extrême gauche, qui ne veut surtout pas voir une quelconque diversité au sein des sociétés musulmanes. Pour ces personnes, il n’existe qu’un et un seul musulman : il est généralement très religieux et ne se reconnaît nullement dans les valeurs universelles. Si pour certains « intellectuels », nourris par le complexe colonial, et dont Lindenberg se fait le porte-voix, le rejet des intégrismes catholique et juif est une preuve de progrès et de modernisme, un refus similaire du fanatisme musulman ou de l’islam politique devient, de la part d’un(e) musulman(e), un signe d’aliénation volontaire aux thèses les plus conservatrices. En gros, Lindenberg a le droit de rejeter, de critiquer, de vilipender le pape, le judaïsme – jamais l’islam, bien sûr ! –et tous les bouddhas, mais Ayaan Hirsi Ali doit se conformer aux règles d’une charia édictée par une bande d’illuminés. Et par ailleurs, cependant que le même Lindenberg s’élève contre ses intégristes, je devrais me plier aux exigences des miens et même applaudir – pourquoi pas – à leur barbarie…
En somme, pour l’auteur du Procès des Lumières, lorsqu’un « Européen » s’attaque à son extrême droite religieuse, il est un progressiste de gauche ; et quand un musulman en fait autant avec la sienne, il devient un néoconservateur d’extrême droite.
Pourquoi une telle construction intellectuelle s’est-elle développée dans une frange de l’extrême gauche ? Je pense qu’un racisme inconscient (oui, certainement inconscient !) laisse certains se convaincre qu’un Maghrébin (un Arabe ou un Africain), croyant ou pas, serait génétiquement inapte à appréhender et à apprécier les Lumières. Et, à ce titre, Daniel Lindenberg est oublieux d’un certain nombre de vérités incontestables, qu’il serait utile de lui rappeler : historiquement et statistiquement, les musulmans sont les premières victimes de cette barbarie, de cette abomination de la désolation, qui instrumentalise leur religion à des fins idéologico-politiques et qu’on décrit communément comme étant l’islamisme. Par ailleurs, cette même idéologie islamiste est née avant « toutes les chapelles néoconservatrices », avant la mondialisation et avant que Christophe Colomb ne foule le sol du continent américain. Enfin, le fanatisme musulman est aussi vieux que l’islam et il est, comme l’appelle l’intellectuel franco-tunisien Abdelwahab Meddeb, la « maladie de l’islam ». Il est peut-être temps désormais de diagnostiquer aussi la maladie d’une bonne partie de l’extrême gauche !"
Lire “Non, Daniel Lindenberg, nous ne sommes pas des « néocons »”.
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