Revue de presse

Michel Houellebecq : "Le vote n’a jamais été à ce point un vote de classe" (Der Spiegel / lepoint.fr , 29 avril 22)

30 avril 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] Marion Maréchal Le Pen affirma dans une interview (pour s’en féliciter) que les gens « ne votaient plus en fonction de leurs intérêts, mais de leurs convictions ». Peu de phrases aussi fausses ont été prononcées en France, ces dernières années, par une personnalité publique. Le vote a toujours été, plus ou moins, un vote de classe ; mais il ne l’avait jamais été à ce point. Sur le plan sociologique, l’enseignement des élections est d’une limpidité absolue, cela peut se dire en une phrase : les riches votent Macron, les pauvres votent Le Pen, les intermédiaires votent Mélenchon. [...]

À force d’insister sur la notion de classe, je risque d’être accusé de soumission exagérée aux concepts marxistes ; ce n’est pas faux, mais je vais nuancer. Un phénomène existe, auquel Marx ne comprenait à peu près rien, phénomène négligeable au point de vue sociologique, mais parfois capital chez les individus (et la présidentielle consiste, avant tout, à élire un individu), c’est celui de la trahison de classe ; et nous en avons eu, au cours de cette dernière élection, deux exemples spectacu­laires.

Grandie dans l’opulence, ayant connu une jeunesse de night-clubbeuse (quand même pas la jet-set, mais pas très loin), Marine Le Pen a rencontré la révélation à Hénin-Beaumont, chez les pauvres. Ce phénomène s’est produit à de nombreuses reprises dans l’histoire : saint François d’Assise, saint Vincent de Paul, etc. Sans viser aussi haut, Marine Le Pen s’est aperçue qu’elle avait davantage de plaisir à bavarder avec une caissière de chez LIDL qu’à retourner passer une après-midi dans le domaine de son père. Marine Le Pen a trahi sa classe.

Éric Zemmour a fait le chemin inverse. Né dans une de ces familles de juifs forcés par la nécessité de survivre au milieu des musulmans (il en reste quelques-unes, beaucoup moins, mais il en reste), il s’est enivré de la fréquentation des riches, des importants et des célèbres ; plus récem­ment, il a joui de susciter la ferveur chez des foules de jeunes gens. Cela était, en effet, inattendu et merveilleux, et peut s’excuser, mais Zemmour n’en a pas moins été à l’origine d’un phénomène qui ne va pas simplifier la situation de notre malheureux pays. Nous avions depuis longtemps en France deux gauches irréconciliables (pro et anti woke, pour simplifier) ; la droite essayait de jouer le jeu d’un couple qui reste ensemble pour les enfants, mais elle n’avait pas d’enfants. Éric Zemmour a peut-être créé les conditions de deux extrêmes droites irréconciliables ; ce qui serait une vraie nouveauté. Mais le public allemand ne devra pas s’y tromper : diverses balivernes idéologiques seront émises de part et d’autre ; mais la véritable opposition sera, comme à chaque fois, un pur et simple conflit de classes.

Marion Maréchal Le Pen, par exemple, n’a jamais trahi sa classe. [...]"

Lire "Michel Houellebecq réagit à l’élection présidentielle".


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