21 décembre 2016
"[...] Il sait très bien qu’il est le seul, à gauche, à pouvoir reprendre au Front National ces électeurs populaires abandonnés. Il sait aussi comment. Il l’a montré depuis cet été en faisant de gros efforts en ce sens. Mais il a mesuré à chaque fois ce qu’il lui en coûtait. Sa sortie sur le « travailleur détaché qui vole son pain au travailleur qui se trouve sur place » lui a valu deux pages de Libération l’accusant de nager en « mots troubles ». Quand il a osé dire qu’il n’était pas « pour la liberté d’installation » et « le déménagement permanent du monde, ni pour les marchandises ni pour les êtres humains », raillant « ceux pour qui il est normal que tout le monde puisse s’établir où il veut, quand il veut », le porte-parole des Verts a dénoncé « une course à l’échalote avec le FN ». Et quand, au nom de la « tradition internationaliste interdisant de se réjouir de l’émigration », il a dit qu’il valait mieux « faire en sorte que les gens n’aient plus besoin de partir », Benoît Hamon a diagnostiqué dans cette esquisse de rupture avec l’immigrationnisme une coupable « transhumance » : selon lui Mélenchon n’est plus « clair » parce qu’il n’ose plus « dire que de nouvelles générations d’immigrés enrichiront la France ». Sa critique estivale des « militantes provocatrices en burkini » lui valut la condamnation de Médiapart ne distinguant plus qu’« une feuille de cigarette » entre Marine Le Pen et lui. Le candidat de la « France insoumise » est allé jusqu’à trouver légitime le débat sur l’identité lancé par Sarkozy et ses « Gaulois ». Et même à déclarer aux policiers : « Solennellement, je suis votre point d’appui ! », leur garantissant que son « extrême république » augmenterait les effectifs d’une « garde républicaine citoyenne ». Cela a suffit pour que Le Monde suspecte l’un de ses conseillers sur ces questions d’être aligné sur un « axe rouge-brun ». La porte-parole du Parti socialiste a bien résumé les réactions à tous ces efforts mélenchoniens en concluant qu’il avait « rejoint un populisme associé à l’extrême droite ».
Le populisme, Jean-Luc Mélenchon a eu le courage et l’habileté de l’assumer publiquement, en se réclamant de celui d’Ernesto Laclau, théoricien du péronisme de gauche. Mais toutes ces condamnations fustigeant ses premières tentatives pour ne pas laisser à Marine le Pen la question de l’insécurité culturelle lui ont montré qu’il était désormais au pied du mur : il lui faudrait lâcher une partie de ce marigot de la gauche de la gauche où le contrôle de l’immigration passe pour du racisme et la laïcité pour de l’islamophobie s’il veut vraiment reconquérir le peuple perdu. Mais on le sent intimidé, hésitant. Il avait déjà regimbé en 2015 devant la proposition de Jean-Pierre Chevènement de constituer un front républicain avec Nicolas Dupont-Aignan. Il semble désormais plutôt tenté par la solution de facilité : cliver en se contentant de reprendre la phraséologie grandiloquente du Mitterrand des années 70 qu’il appelle affectueusement « le Vieux » en oubliant qu’il fut à l’origine des trahisons dont Hollande n’est que l’exécuteur testamentaire. Rester confortablement sur son pré-carré de fonctionnaires et de retraités de gauche. Et, plutôt que de bousculer ses multiculturalistes et ses sans-papieristes qui font fuir le peuple, rallier les écolos à la ramasse en parlant de « l’homo urbanus mis en réseau » et de la « multitude » pour contourner la fracture culturelle. Refaire le coup de la gauche plurielle. Après la nostalgie Mitterrand, Jospin.
Mélenchon connaît bien son Histoire de la gauche mais manque d’ambition. Le passé est une « ressource », comme il dit, mais s’il veut vraiment « fédérer le peuple », il lui faut remonter plus loin et renouer avec le dernier programme qui voulait le protéger : celui de Georges Marchais, qui avait tout compris, tout anticipé de la globalisation. Il demandait de « stopper l’immigration massive officielle et clandestine », « arme du capitalisme mondialisé » au service du patronat pour « jeter de nouveaux travailleurs au chômage » et remettre en cause « les droits de l’ensemble des travailleurs, immigrés ou non ». Il s’inquiétait de l’arrivée massive de « familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes. Cela crée des tensions, et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficiles leurs relations avec les Français. » Il défendait le récit national contre Giscard : « Cette Histoire nous y tenons. Elle nous apprend que la France est l’une des plus anciennes nations de la terre ». Il fut conspué pour avoir soutenu l’invasion soviétique en Afghanistan en invoquant « les droits des femmes et des jeunes filles en danger » à cause d’« islamistes tyranniques et arriérés » dont personne ne parlait encore."
Lire aussi Sarkozy le Gaulois, "Quand le PCF voulait « arrêter l’immigration »" (causeur.fr , 3 août 12) (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales