par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République 5 novembre 2012
L’Eglise chez elle, le Parlement chez lui. Paraphrasant Victor Hugo, nous voulons rappeler ce très saint principe républicain au moment où les autorités ecclésiastiques réinvestissent le champ politique en prétendant imposer au pays leur opposition au mariage pour tous. Après l’archevêque de Lyon établissant un étonnant lien entre mariage homosexuel, polygamie et inceste, le président de la conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, vient de qualifier le projet de "supercherie". L’Eglise, qui estime que "l’élection présidentielle et les élections législatives ne constituent pas un blanc-seing automatique" semble faire peu de cas du vote des élus de la Nation. Et soutenir en revanche les manifestations prévues par des organisations proches de l’Eglise et des intégristes contre le projet du gouvernement.
L’Eglise d’Espagne avait largement contribué aux manifestations contre le Premier Ministre socialiste. L’Eglise d’Italie avait soutenu Berlusconi afin qu’il bloque le droit à mourir dans la dignité. De tout son poids politique, l’Eglise a pesé en Irlande, à Malte, au Portugal, en Pologne..., dans les instances européennes, contre l’évolution des moeurs et la laïcité des institutions .
L’Eglise renouant avec un passé peu progressiste, et c’est un euphémisme, cédait à son penchant naturel, s’invitant dans le débat politique au nom d’une morale dont elle se pose en garante ! Dont elle aurait le monopole ! Les mêmes instances, plus déterminées à dire la morale aux autres qu’à se l’appliquer à elles-mêmes, avaient pourtant consacré leur énergie à étouffer, plutôt qu’à les combattre, les milliers de cas de pédophilie révélés en son sein.
Plus subtilement mais avec détermination, ces toutes dernières années l’Eglise de France a fait pression sur le gouvernement et les élus pour empêcher l’adoption de la révision des lois de bioéthique, contre le droit à mourir dans la dignité, comme elle l’avait fait dans le passé contre le divorce, la contraception, l’IVG, le contenu de l’enseignement. Même comportement à l’égard du nouveau Président de la République pour maintenir le statut dérogatoire du concordat en Alsace Moselle et essayer d’empêcher l’inscription dans la Constitution des grands principes de la loi dite de séparation des Eglises et de l’Etat.
L’Eglise a parfaitement le droit, comme toute religion, comme tout mouvement philosophique, de s’exprimer dans les débats éthiques au coeur des grandes mutations de la société moderne. Elle a la totale liberté de défendre son point de vue, fut-il un des plus conservateur en matière de moeurs. Cette liberté, c’est la laïcité qui la lui garantit.
Mais il ne faut pas confondre le légitime débat avec la décision politique laquelle relève du Parlement et de lui seul. C’est à dire du peuple.
La hiérarchie catholique ne veut pas voir que 80 % de nos concitoyens et une majorité de catholiques eux-mêmes ne souhaitent pas qu’elle s’immisce dans le débat politique. Rendre enfin et pour de bon à dieu ce qui lui revient et à César ce qui lui appartient !
Qu’elle cesse de jouer de la menace et de la peur comme elle l’avait fait en 1984, en s’associant aux partis de droite, pour empêcher la réalisation d’un grand service public unifié de l’Education nationale.
Qu’elle s’adresse à ses fidèles en leur proposant une éthique de vie relève de sa mission pastorale, au même titre que tous les autres courants de la vie religieuse, spirituelle et philosophique. En revanche il est une ligne au-delà de laquelle s’ouvrirait l’inacceptable retour du religieux en politique, de la confusion des ordres, de la montée des dangers.
On ne peut dénoncer l’instrumentalisation des printemps arabes par les islamistes pour imposer notamment l’inégalité des droits entre hommes et femmes, et accepter ici l’interventionnisme politique des autorités catholiques contre la reconnaissance du mariage homosexuel !
Qu’il s’agisse du mariage pour tous, du droit à mourir dans la dignité, de la laïcité, sujets sur lesquels une très large majorité de français est favorable à des évolutions positives, c’est au gouvernement à gouverner et aux élus du peuple à voter la loi.
Les églises chez elles, l’Etat chez lui.
Patrick Kessel
président du Comité Laïcité République
Comité Laïcité République
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