5 juillet 2015
Dans un rapport qu’il vient de transmettre à Manuel Valls, "le député PS Malek Boutih décrit « une jeunesse frustrée, prête à basculer ». Il craint que la dérive islamiste en France ne se transforme en phénomène de masse."
« Génération radicale » : le titre du rapport que le député PS de l’Essonne Malek Boutih vient de transmettre au premier ministre, et que Le Figaro s’est procuré, traduit bien son contenu. Dès la troisième ligne, il aborde son sujet : « L’analyse et la prévention des phénomènes de radicalisation et du djihadisme en particulier. »
C’est une lecture politique que livre l’ancien président de SOS-Racisme, mandaté après les attentats de janvier. Il ne biaise pas avec son sujet, qui concerne avant tout la dérive islamiste d’une partie de la jeunesse française, sachant que près de 65 % des individus impliqués dans les filières djihadistes ont moins de 25 ans.
Le député assure que son enquête a conforté son hypothèse de départ : « Le succès des recruteurs djihadistes auprès des jeunes repose sur l’adhésion à un projet politique entrant en résonance avec leurs préoccupations internationales et leur rejet de la société démocratique occidentale, plus qu’à une doctrine religieuse fondamentaliste. » D’où cette conséquence : « Une grande partie de la jeunesse se détourne de notre modèle de société. »
Mondialisation, 11 Septembre, guerre en Irak, conflit israélo-palestinien ont marqué la jeune génération et façonné sa vision du monde, note Malek Boutih. Mais au-delà de ces événements, un nouveau marqueur - « l’enracinement d’un nouvel antisémitisme » - est particulièrement inquiétant. « Dans les quartiers, le discours du “deux poids deux mesures”, entre des juifs qui seraient insérés et protégés et des musulmans au contraire stigmatisés et marginalisés socialement, a rencontré un large écho, écrit le député. Les vieux préjugés sur les juifs qui seraient partout, tirant les ficelles du monde de la finance et des médias sont de retour. De façon remarquable, ils sont très largement répandus chez les jeunes aujourd’hui alors que cela aurait été inenvisageable il y a encore une vingtaine d’années. »
« La société est vécue comme totalement verrouillée, ce qui génère une grande frustration », analyse Malek Boutih, qui parle de « jeunesse frustrée, prête à basculer ». Il va plus loin : « Le corpus de valeurs et l’ordre social très peu contraignant de nos sociétés démocratiques occidentales ne fournissent pas un cadre suffisamment englobant et sécurisant pour s’y ancrer et s’y attacher (…). La notion de République est inintelligible, comme diluée dans le libéralisme et la modernité, et le sentiment d’appartenance à une communauté nationale est très affaibli. Or une partie de la jeunesse refuse ces valeurs trop “molles” et cherche à se distinguer. »
Reprenant les chiffres, notamment ceux, en hausse croissante, des départs de jeunes Français pour la Syrie, l’auteur du rapport estime que « la radicalité islamiste est dans un mouvement ascendant au sein de notre société », qu’il met en parallèle avec le niveau historique de l’extrême droite. Cependant, « face aux autres offres radicales qui visent la jeunesse, le djihadisme a une longueur d’avance, aussi bien dans sa dimension politique que théorique, note le député. Pour un jeune homme, une jeune femme assoiffée d’action, le djihad serait l’évidence. Il ne s’agit pas simplement d’assouvir réellement des pulsions meurtrières ou des envies de guerre. La dimension théorique du djihad est la plus complète dans son rejet de la démocratie, dans la désignation de responsables à abattre et enfin dans l’affirmation d’un contre-modèle total. Au creux de l’offre idéologique des forces politiques traditionnelles, le djihad propose des explications et une solution globale. »
Conclusion sans appel : « Le djihadisme est bien la radicalité qui prédomine aujourd’hui dans l’offensive antidémocratique. »
Les signalements recueillis par le numéro vert destiné aux familles ou aux autorités que la dérive d’un jeune inquiète, sont éclairants sur la diversification des individus prêts à basculer dans l’extrémisme. Mais Malek Boutih va encore plus loin : « L’ampleur du phénomène et sa pénétration dans tous les milieux, avec la radicalisation de jeunes étudiants, et de jeunes filles en particulier, indiquent qu’on pourrait basculer dans un phénomène de masse. » « Si les premières vagues de djihadistes comportaient essentiellement des individus fragilisés, plus faciles à recruter, désormais les recruteurs ciblent des proies au profil plus stable et moins détectable et on peut penser que ce phénomène va s’amplifier », ajoute-t-il.
« Les islamistes ont mis sur pied un réseau social humain où chacun joue un rôle dans l’expression de leur idéologie », remarque le député. Leur « emprise » se construit ainsi sur certains quartiers. Même si tous les jeunes, loin de là, ne sont pas tentés par l’expérience, « il faut tout de même prendre garde aux effets de contagion et d’identification croisée entre pairs, par lesquels une frange radicale peut influencer l’ensemble d’une génération », estime Malek Boutih.
Au terme de son rapport, son auteur dresse une série de propositions qui passent par l’école, la culture, les familles. Et la nécessité de réaffirmer avec force le credo républicain."
Voir aussi "Génération radicale", rapport de Malek Boutih sur la radicalisation et le djihadisme (juil. 15) (note du CLR).
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