"Quand la solidarité religieuse prime sur toute autre appartenance" 1er octobre 2013
"Les récentes émeutes de Trappes ont révélé au grand jour l’existence, dans certains territoires, d’une solidarité basée sur la religion, qui prévaut sur toutes les autres. Même Le Monde doit admettre, au terme d’une enquête sur les « événements des 19 et 20 juillet », que le « facteur religieux a beaucoup pesé » [1]. Pourtant, si la presse semble découvrir la lune, Trappes ne constitue pas une première en la matière. Simplement, les événements de Trappes sont si limpides qu’il devient impossible de travestir la réalité ou de la taire aux Français.
Dans les deux livres [2] qu’il a consacrés, début 2012, aux « banlieues », à l’emprise grandissante de l’islam en France et à son hégémonie dans un certain nombre des quartiers bénéficiant de la « politique de la ville », le politologue Gilles Kepel souligne que le principal ressort des émeutes de 2005 était, déjà, la solidarité religieuse. Il insiste sur le fait que ce n’est pas la mort de deux adolescents entrés dans un transformateur EDF qui avait déclenché les émeutes, mais la rumeur selon laquelle des policiers avaient lancé une bombe lacrymogène dans la mosquée Bilal de Clichy-sous-Bois. C’est donc sur la base d’une rumeur infondée que des populations se sont dressées comme un seul homme contre les institutions de la République. Chaque jour ou presque, et ce depuis des années, une forme de solidarité religieuse s’exprime par un discours de rejet d’une partie des principes et valeurs qui incarnent la France, jugés avilissants. Il suffisait de recenser ses multiples manifestations pour prendre la pleine mesure du phénomène.
[...] La stratégie de ré-enracinement culturel et religieux des jeunes générations de l’immigration musulmane s’opère par la transmission de la langue arabe. L’arabe est bien le véhicule de l’islamisation. S’il fallait en donner encore une illustration, je soumettrais à la réflexion ce passage de l’émission « Empreintes » [3] dans lequel l’écrivain Tahar Ben Jelloun évoque le début des années 1970 au royaume chérifien : « Le ministère de l’intérieur décide d’arabiser la philosophie dans l’esprit et le but d’empêcher que les Marocains apprennent à penser, à douter et à réfléchir. Donc on va arabiser, on va enseigner la pensée islamique. » Contredisant dans les faits la volonté d’intégration qu’ils proclamaient bruyamment, les gouvernements français qui se sont succédé sont restés sourds, une fois de plus, aux mises en garde réitérées du Haut-Conseil à l’intégration, qui recommandait la suppression, au sein de nos écoles, des modules d’enseignement des langues et cultures d’origine – ELCO. À l’inverse, de nombreux responsables politiques affirmaient, contre toute évidence, que la « réappropriation de leur langue et de leur culture » était la meilleure façon, pour les jeunes issus de l’immigration, de s’intégrer en France.
Ce qu’il y a de plus effrayant, c’est le fait que tant de gens persistent dans leur refus de voir la réalité telle qu’elle est, contribuant de ce fait à l’aggravation de la situation. En particulier, nos dirigeants, qui continuent à se (et nous) payer de discours anesthésiants alors que la maison a déjà commencé à s’effondrer. Toutes les étapes de la radicalisation des discours et des comportements qui a accompagné une certaine islamisation de l’Algérie, avant de conduire à la guerre civile, s’observent aujourd’hui en France, et plus généralement dans tous les pays européens qui ont accueilli de forts flux d’immigration de culture musulmane. Il ne s’agit pas ici de l’islam du temps de Gamal Abdel Nasser, lequel faisait se tordre de rire une salle entière en racontant que les Frères musulmans voulaient que les femmes portent le voile [4]. Il s’agit d’un islam qui ne supporte ni la critique, ni le voisinage d’autrui. En témoignent l’atrophie de la liberté d’expression à laquelle nous assistons en France, pays de Voltaire, et la conversion affichée d’élèves de souche européenne au sein d’établissements scolaires que leurs parents n’ont pas eu les moyens de fuir. Cette conversion – réelle ou simulée – devient pour eux le moyen d’échapper aux brimades et de se faire accepter dans le groupe.
Aucun pays, certes, n’a trouvé de formule magique pour organiser la coexistence pacifique de populations issues de cultures et de religions différentes. Nous, nous avons tout fait pour la rendre impossible. Il aurait suffi d’un peu de bon sens pour comprendre que cette intégration culturelle (que l’on n’osait plus nommer « assimilation ») était incompatible avec les flux migratoires massifs et le regroupement familial, principal vecteur du ré-enracinement religieux. Comment expliquer cet acharnement dans l’erreur, alors que ses conséquences funestes n’ont jamais cessé de se déployer sous nos yeux ? Il faut évoquer la raison mère de cet aveuglement, à savoir l’indifférence d’une élite politique qui nous a abandonnés, nous Français de toutes origines respectueux de l’identité républicaine, cette forme unique de l’idée nationale. Nous qui aurions pu faire la démonstration qu’une vie harmonieuse était possible ensemble."
Lire "La preuve par Trappes".
[1] « Trappes, radiographie d’une émeute », Élise Vincent, Le Monde, 17 août 2013.
[2] Banlieue de la République et Quatre-vingt-treize, Gallimard, février 2012.
[3] « Empreintes », France 5, février 2010.
[4] Voir "Egypte : quand Nasser se moquait du voile... " (francetvinfo.fr , 20 jan. 15) (note du CLR).
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