Revue de presse

M. Sorel : « Dans les banlieues, cessons de reculer » (lefigaro.fr/vox , 14 fév. 17)

Malika Sorel, ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration, auteur de "Décomposition française" (Fayard). 15 février 2017

"Alors que la Seine-Saint-Denis a été l’objet de violentes émeutes urbaines après le viol présumé du jeune Théo, Malika Sorel estime que « depuis 2005, la situation s’est fortement dégradée » car « le niveau de violence a considérablement augmenté ».

[...] N’y a-t-il pas aussi une dimension culturelle voire religieuse à cette crise des banlieues ?

C’était le cas en 2005. Pourtant les médias ont persisté à répéter que tout ce qui se produisait était lié à la mort effroyable des deux jeunes dans un transformateur. Gilles Kepel a mis en évidence que l’embrasement des banlieues avait eu pour origine le lancement non intentionnel d’une grenade à proximité d’un lieu qui présentait l’aspect extérieur d’un entrepôt. Les policiers ignoraient que ce bâtiment était utilisé comme lieu de culte. Sur place, l’information a été aussitôt propagée que la mosquée avait été visée délibérément, et qu’il s’agissait d’une attaque de l’État contre l’islam et les musulmans. Il convient de s’interroger sur les groupes de pression et d’influence qui trouvent intérêt à diviser la société selon la croyance, l’ethnie ou la « race ».

Il est prématuré de tirer des conclusions sur ce qui se produit aujourd’hui et qui se propage à travers un nombre croissant de territoires. Nous sommes en présence d’une population sous le choc de ce qui vient d’arriver et qui se retrouve très vraisemblablement instrumentalisée. Il appartient à nos services de renseignement d’identifier au plus vite quelles sont les forces qui s’activent en sous-main et qui ont intérêt à ce que la police ne puisse plus pénétrer certains quartiers, ou même que la situation échappe à tout contrôle.

Peut-on comparer la situation actuelle aux émeutes de banlieue en 2005 ?

Depuis 2005, la situation s’est fortement dégradée. Le niveau de violence a considérablement augmenté. Cela était prévisible puisque le fond du sujet n’a jamais été véritablement abordé. On a persisté dans le déni du réel et dans la manipulation des masses. Pourtant, comme le montrent ses propos consignés dans Un président ne devrait pas dire ça, François Hollande n’ignore rien de la gravité de la situation. Évoquant la marche pour Charlie, il fait état de « ces trois France qui semblent parfaitement irréconciliables » et s’interroge : « comment on peut éviter la partition ? … Car c’est quand même ça qui est en train de se produire : la partition ». En 2005, il n’aurait pas employé le terme de « partition » qui est extrêmement lourd. Quel est le bilan de François Hollande dans ce registre ? C’est celui de sa tentative de "refondation des politiques d’intégration", que j’ai contribué à torpiller car elle menait tout droit à la disparition à terme de l’identité française. Nul n’a le droit de créer les conditions de l’enterrement de l’identité du peuple français. Chaque peuple a droit au respect de son identité, a fortiori sur son propre territoire. J’ai eu l’occasion d’analyser longuement les différents rapports pour Le Figaro.

Malheureusement, les choses n’en sont pas restées là, puisque nous avons eu droit ensuite à un certain nombre de réformes scolaires ainsi qu’à l’adoption de la loi « Égalité et Citoyenneté » qui partent toujours de la même approche et qui recèlent un degré non négligeable de toxicité pour notre avenir à tous. Et l’on en arrive à présent à ce qu’un postulant à la fonction suprême ose asséner qu’« il n’y a pas de culture française » !

Comment jugez-vous la réaction des autorités politiques à ce nouvel accès de violence ?

Il y a eu de bonnes et de mauvaises réactions. Lorsqu’une enquête est en cours, on ne doit pas tenter d’interférer. Chacun se doit de laisser la Justice suivre son cours. Aussi, la visite du président de la République à l’hôpital n’aurait pas dû se produire car non seulement elle jette du sel sur les plaies, mais elle est de surcroît perçue comme un parti pris. Il avait lui-même reproché au président Nicolas Sarkozy de réagir trop souvent, et lui, que fait-il ? Ensuite, certains politiques de premier plan se sont mis à relayer l’appel au calme lancé par la famille. On croit rêver ! Ce faisant, le politique se démet lui-même de son autorité. Autre point : qu’une première manifestation ait été autorisée, car il est naturel que des citoyens éprouvent le besoin de marcher ensemble, on peut le comprendre. Mais nous n’en sommes plus là. D’autant que nous sommes en état d’urgence. Comment expliquer que le pouvoir expose ainsi son incapacité à faire appliquer la loi ? C’est préjudiciable pour tous, car toute faiblesse de l’État peut être interprétée comme une invitation à défier encore davantage les institutions. Or, la population a besoin d’être protégée. [...]

Que faire ?

Cesser de démissionner et de reculer en pensant que c’est la meilleure façon d’acheter la paix. Nous le voyons, c’est l’inverse qui se produit. Il faut retrouver le chemin de la raison. En revenir au traitement des individus, et des individus seuls. Considérer chaque être humain sur la base de ce qu’il est en tant qu’être humain, et donc tourner le dos à l’approche communautaire qui pourrait conduire à terme à la partition évoquée par le président François Hollande. Travailler à retisser le lien de confiance entre notre société, l’école et le corps enseignant. Le chantier est exigeant, mais il est décisif pour l’avenir de notre société. Beaucoup peut encore être fait dans ce domaine. L’espoir est de mise. Responsabiliser les parents, mais aussi les accompagner dans leur mission car l’éducation n’est pas toujours tâche aisée, loin s’en faut ! Dans mes écrits, j’émets un grand nombre de propositions et recommandations. Simplement, il faut être bien conscient que rien ne sera possible sans prendre en compte le fait que la France n’est plus en capacité d’accueillir de nouveaux flux migratoires. Et ce n’est pas qu’une simple question d’ordre socio-économique."

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