12 mai 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Monsieur le Président de la République, le 24 avril, les autorités judiciaires de la République islamique d’Iran annonçaient la condamnation à mort de Toomaj Salehi, rappeur contestataire et militant du mouvement Femme, vie, liberté.
« La vraie mort est celle de se résigner au désespoir », nous dit Toomaj Salehi dans ses textes. Aussi, nous demandons à la France de réagir et de porter sa voix. Le mouvement Femme, vie, liberté, né après la mort de la jeune Mahsa Jina Amini, vous le connaissez, monsieur le Président, car vous l’avez soutenu, notamment le 12 novembre 2022, en accueillant à l’Elysée quatre militantes iraniennes des droits humains : Masih Alinejad, Ladan Boroumand, Shima Babaei et Roya Pirayi.
Le même jour, lors de l’entretien accordé à France Inter, vous avez dit votre admiration, votre respect et votre soutien au combat des Iraniennes et Iraniens, car ce combat est celui des valeurs de notre devise, celui d’un universalisme de liberté auquel nous croyons en France.
La réponse de la République islamique à ce mouvement pacifiste et universel a été une répression cruelle et sans limites. L’ONG Iran Human Rights a répertorié 537 manifestants tués et de nombreux autres arbitrairement emprisonnés et torturés. L’une des armes du régime iranien pour faire taire les dissidents est la condamnation à la peine de mort.
Selon le rapport de l’association Ensemble contre la peine de mort, au moins 834 personnes ont été exécutées en Iran en 2023, marquant ainsi une augmentation de la peine de mort de 43 % en un an, le taux le plus élevé depuis 2015.
Toomaj Salehi, artiste populaire en Iran, est l’une des figures marquantes de Femme, vie, liberté. Ce chanteur de rap a pris le risque de manifester, mais a surtout été catalyseur des idéaux de cette population iranienne avide de liberté et de démocratie.
Le rap, que Toomaj manipule avec ardeur, s’est révélé être un formidable outil politique dénonçant le totalitarisme du régime et sa corruption, encourageant le peuple à ne faire qu’un et à se soulever pour la liberté.
Pour ses prises de position, Toomaj Salehi a été arrêté le 30 octobre 2022 et sévèrement torturé dès les premiers jours de sa détention avant d’être placé à l’isolement durant plusieurs mois. Libéré sous caution le 19 novembre 2023, il publie immédiatement une vidéo pour dénoncer les tortures physiques et psychiques dont il a été victime. Avec un courage inouï, il accuse la corruption de la justice, qui l’a condamné à six ans et trois mois de prison pour « corruption sur terre ».
Toomaj est de nouveau violemment arrêté le 30 novembre 2023 et condamné, le 24 avril, à la peine de mort pour les mêmes faits qui lui étaient reprochés un an plus tôt. A ses côtés, d’autres opposants sont sous le coup d’une condamnation à mort pour avoir pris part aux manifestations nationales en soutien au mouvement Femme, vie, liberté.
Ces peines sont un signal de terreur envoyé par la République islamique, qui s’ancre dans une systématisation de la violence contre son peuple, mais également à l’égard des pays prônant les valeurs démocratiques. Contre son peuple d’abord, car, depuis le mois de mars, la République islamique a massivement redéployé la police des mœurs dans tout le pays, celle-là même qui a assassiné Mahsa Jina Amini, menant ainsi une guerre acharnée contre les femmes non voilées, de plus en plus nombreuses dans les rues.
Contre les pays démocratiques aussi, par la « diplomatie des otages », qui consiste à emprisonner des ressortissants occidentaux pour en faire une monnaie d’échange. Ce que vous aviez dénoncé en août 2023, alors que notre pays déplore quatre otages français innocents détenus dans les geôles iraniennes : Cécile Kohler, Jacques Paris, Louis Arnaud et Olivier.
Au même titre que la population iranienne, nos otages français font l’objet de fausses accusations, d’arrestations, de détention arbitraire, de simulacres de procès et de condamnations injustifiées.
Or, cette politique indigne du marchandage d’otages mène la France à se soumettre au chantage honteux orchestré par la République islamique, muselant ainsi la prise de position qui doit être celle de notre pays prônant le respect des droits humains.
La France doit désormais assumer son rôle de garante des valeurs démocratiques et abolitionnistes de la peine de mort. Le respect des droits humains ne peut être une valeur négociable.
Nous, artistes, chanteurs, dessinateurs, musiciens, acteurs, réalisateurs, écrivains, militants des droits humains et personnalités de la société civile, estimons que nous avons un rôle à jouer pour éveiller les consciences.
Nous vous demandons, monsieur le Président, de prendre fermement position contre la politique totalitaire de la République islamique d’Iran en agissant par tous les moyens politiques et diplomatiques pour faire lever définitivement la condamnation à mort de Toomaj Salehi et celle des autres prisonniers politiques condamnés au même titre, et pour obtenir leur libération.
Si la République islamique d’Iran viole et bafoue les droits humains, la France, elle, ne peut s’en accommoder, car ils sont l’essence même de sa devise.
Premiers signataires
Sophia Aram, humoriste ; Chirinne Ardakani, avocate, présidente de l’Association Iran justice ; Elisabeth Badinter, philosophe ; François Cluzet, comédien ; Catherine Deneuve, actrice ; Emma Dinparast avocate, et membre du collectif Azadi4Iran ; Golshifteh Farahani, comédienne ; Gaël Faye, chanteur ; Robert Guédiguian, cinéaste ; Agnès Jaoui, comédienne ; Camélia Jordana, chanteuse ; Jul, dessinateur ; Negin Khazaee, co-présidente du collectif Queers & Feminists for Iran Liberation ; Hervé Le Tellier, écrivain, Prix Goncourt ; Aïssa Maïga, comédienne ; Nagui, animateur ; Barbara Pravi, chanteuse ; Marjane Satrapi, dessinatrice ; Eric Toledano, cinéaste.
Retrouvez la liste complète des signataires à cette adresse.
Photo HOSSEINRONAGHI
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Iran : manifestations contre le régime (2022...) dans la rubrique Iran : voile dans Iran (note de la rédaction CLR).
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