18 mars 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"[...] Huntington soutenait que les grands affrontements du monde à venir seraient moins idéologiques que culturels. Il annonçait par là un monde multipolaire où s’imposeraient de grandes zones civilisationnelles, chacune ayant la tentation de s’imperméabiliser, ou du moins, de résister à la présence de l’autre en ses murs.
Triomphalement, ceux qui avaient toujours rejeté cette thèse ont annoncé que la guerre d’Ukraine condamnait pour de bon cette théorie. Sauf qu’un tel jugement repose sur une lecture non seulement simpliste, mais surtout inexacte, de la thèse de Huntington, bêtement réduite à une guerre entre l’Occident et l’islam, ou pire encore, à une lutte des religions et des races. Si Huntington était parfaitement conscient que la poussée de l’islam et sa pénétration accélérée du monde occidental par l’immigration massive serait au cœur du présent siècle, il ne l’y réduisait pas, et rappelait que les zones de contact entre les civilisations demeuraient potentiellement conflictuelles.
Ainsi, si l’agression de la Russie de Poutine se mène au sein du monde orthodoxe, il s’agit d’abord pour lui de le reconstituer et de le réunifier sous la figure de l’Empire russe, dont il entend reconstituer la puissance et la souveraineté contre le monde occidental, qui demeure finalement son grand ennemi. Dans la tête de Vladimir Poutine, pour reprendre une formule souvent utilisée depuis deux semaines, la guerre en Ukraine est une guerre interne au bloc civilisationnel dont il veut que la Russie soit le pôle central, le pôle dominant, le pôle impérial. Dire cela ne revient d’aucune manière à trouver la moindre excuse à cette invasion, mais simplement à rappeler qu’elle n’invalide pas une grille de lecture du monde encore féconde. [...]
On répète à l’envi que les États-Unis se tournent aujourd’hui vers l’Asie pour des raisons géopolitiques, mais on oublie qu’ils ont d’abord voulu arracher leurs racines européennes au début des années 1990. Cette mutation identitaire post-occidentale fut repérable dans l’université à travers la querelle du canon des grandes œuvres, qu’il fallait « décoloniser », en l’arrachant à la figure tutélaire du « dead white male ». De la déconstruction de la littérature, l’université américaine en vient aujourd’hui au procès des études classiques, pour en finir avec Athènes et Rome, et en finir à travers cela avec la « blanchité ». L’Amérique devient le symbole de la civilisation diversitaire. [...]"
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