Note de lecture

M. Agulhon : La République en mots

par Philippe Foussier 11 juin 2008

Maurice Agulhon, Les mots de la République, Presses universitaires du Mirail, 128 p., 10 €.

Professeur honoraire au Collège de France, historien incontesté de la République, auteur prolifique sur l’histoire de Marianne, Maurice Agulhon signe un petit livre très instructif sur les mots de la République. Selon la formule retenue par cette collection, l’auteur propose un dictionnaire des mots qui illustrent le thème choisi. De « Affaire Dreyfus » à « Vendée », l’historien invite donc le lecteur à un voyage dans le temps et les concepts, afin « d’introduire le lecteur à la perception de ces temps si divers, du politique à l’anthropologique, de l’idéologique à l’allégorique ». Bien sûr, si Maurice Agulhon nous rappelle de nombreuses évidences sur la République, il nous rafraichit aussi la mémoire ou nous apprend à l’occasion, au détour d’anecdotes, des faits méconnus ou oubliés.

A « canton », on peut ainsi lire que, dans les débuts de la IIIe République, le chef-lieu « accueillait chaque année deux cérémonies devenues des rituels républicains majeurs » : les épreuves du certificat d’études et le conseil de révision. Agulhon nous dit avec une certaine poésie à la rubrique « école » que, sous la IIIe toujours, « des milliers d’écoles neuves couvrent le pays d’un blanc manteau, comme l’avaient fait les églises romanes de l’an Mil ».

Il nous rappelle aussi les dates auxquelles les jours fériés le sont devenus : 1810 pour le 1er janvier, 1880 pour le 14 juillet, 1886 pour les lundis de Pâques et de Pentecôte, 1922 pour le 11 novembre, 1946 pour le 8 mai ou 1947 pour le 1er mai.

L’historien revient sur l’histoire des couleurs du drapeau et ce à quoi elles renvoient, avec les « bleus », les « blancs » et les « rouges ». Les premiers, comme Bonaparte ou Cavaignac, étaient considérés en 1848 comme des « ennemis irréductibles des Blancs ». Et sous la IIIe République, on oppose encore Blancs et Bleus en Bretagne, avec le célèbre « Petit Bleu des Côtes du Nord » de René Pleven. Dans le midi, c’est plutôt l’opposition entre Blancs et Rouges qui prévaut à l’époque.

Au mot « Etat », Agulhon évoque la responsabilité de celui-ci dans la politique antisémite du régime de Vichy et il se situe clairement dans le camp de Gaulle et de Mitterrand plutôt que dans celui de Chirac et de Sarkozy, en estimant : « La responsabilité de l’Etat français était évidente mais nullement celle de la République française qui était alors à Londres et honorait justement toutes les victimes de la collaboration ».

Pour la Marseillaise, Agulhon rappelle que ce « vieux chant révéré par la gauche depuis son origine est à la fois républicain et patriote. De plus, il a connu longtemps une grande popularité dans le vaste monde pour galvaniser l’action de tous ceux qui luttaient contre les dictatures et les oppressions ».

A « constitution », l’historien nous précise que nous en avons expérimenté 15 depuis 1791, que cinq d’entre elles étaient d’inspiration monarchique, au service de la royauté comme celles de 1791, de 1814 et de 1830, ou de l’Empire comme celles de l’an XII et de 1852.

A « décentralisation », Agulhon va à l’encontre des idées reçues en appelant à ne pas oublier « les mesures décentralisatrices des premiers Jacobins qui confiaient aux directoires des départements de larges responsabilités ». On l’aura compris, ce petit opuscule mérite le détour.

Philippe Foussier


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