Revue de presse

"Les silences gênants de LFI sur l’homophobie" (Le Point, 27 juin 24)

(Le Point, 27 juin 24) 30 juin 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Électoralisme. Après un antisémitisme jugé « résiduel », embarras sur la question de l’homosexualité.

Par Nora Bussigny et Erwan Seznec

JPEG - 18.6 ko

Lire "Les silences gênants de LFI sur l’homophobie".

« Ils le font, le signent et se le mettent dans le cul profond. Cette bande de tafioles de merde. » Signé Sophia Chikirou, devenue en 2022 députée parisienne de La France insoumise. Dans ce message tout en délicatesse révélé en 2023 par l’émission Complément d’enquête, les « tafioles » étaient les salariés du Média, la webtélé des Insoumis. Sanction : néant.

Parmi les salariés du Média se trouvait le chroniqueur Taha Bouhafs, éphémère candidat LFI aux législatives de 2022, tenu en grande estime par Jean-Luc Mélenchon, présent au meeting du Nouveau Front populaire (NFP) à Montreuil, le 17 juin. Comme l’avait raconté Le Point en 2022, Taha Bouhafs avait refusé de se trouver seul avec un collègue du Média dans une salle de montage, au motif que ce dernier préférait les garçons. Taha Bouhafs a démenti fermement ces assertions, menaçant d’attaquer Le Point en diffamation, ce qu’il n’a pas fait.

Amal Bentounsi est candidate NFP-LFI aux législatives dans la 6e circonscription de la Seine-et-Marne. Elle est connue dans la sphère militante comme créatrice du collectif Urgence notre police assassine. En 2015, on pouvait lire sur la page Facebook du collectif : « Nous refusons de nous positionner sur l’homosexualité d’une manière ou d’une autre », « on ne peut pas en vouloir à un croyant d’être homophobe si sa religion l’est ».

L’islam ou les lois de la République

Pour qui veut siéger au Parlement, comme Amal Bentounsi, cette position n’est évidemment pas tenable. Les relations homosexuelles ont été décriminalisées en France en 1791 et les traces résiduelles de discrimination qui subsistaient dans le Code civil ont disparu dans les années 1980. La loi française s’impose, peu importe ce que disent les religions en général, et l’islam en particulier.

Car, en l’occurrence, c’est bien de l’islam qu’il s’agit. Dans une étude de l’Ifop publiée en 2019, 63 % des personnes de confession musulmane percevaient l’homosexualité comme une maladie ou une perversion sexuelle, contre 20 % des catholiques pratiquants et 10 % des sans-religion. L’homophobie n’a pas disparu dans les milieux chrétiens intégristes, mais ces derniers n’ont pas de sympathisants chez les Insoumis.

On ne peut en dire autant en ce qui concerne l’islam rigoriste. Le militant associatif Aly Diouara est investi par LFI dans la 5e circonscription de la Seine-Saint-Denis (celle de Raquel Garrido). À l’été 2022, il se posait en fervent défenseur de l’imam Hassan Iquioussen, expulsé pour ses propos contraires aux valeurs de la République, propos antisémites et homophobes.

« Chez nous, l’homosexualité n’est pas la bienvenue »

« Mon soutien à l’homme, à ses enfants et petits-enfants et à toutes les victimes de ce climat racistement (sic) hostile » , twittait-il. Le prêche de Hassan Iquioussen sur le sujet est toujours disponible en ligne. Dès les premières minutes, le ton est donné : « En tant que musulman, je condamne l’homosexualité parce que nous la considérons comme un péché […]. Chez nous les musulmans, l’homosexualité n’est pas la bienvenue, elle est condamnée par les textes de manière claire nette et précise. »

Alors que ces propos resurgissent, Aly Diouara garde le silence sur le thème de l’homosexualité. Contactée par Le Point, Amal Bentounsi ne s’exprime pas davantage. Elle a fait valoir qu’elle n’avait pas écrit les phrases attribuées au collectif. Néanmoins, elle n’est pas allée jusqu’à prendre position, sans ambiguïté, ne serait-ce que pour rappeler le primat des lois de la République sur la religion.

Les pays du monde où l’homosexualité reste passible de mort sont tous musulmans (Arabie saoudite, Brunei, Iran, Nigeria…). On trouve également une écrasante majorité de pays musulmans dans la longue liste de ceux qui en font un délit.

Embarrassant soutien de Jean-Luc Mélenchon, Houria Bouteldja justifiait l’homophobie dans les pays du Sud et dans les cités françaises, le 12 février 2013, sur le site des Indigènes de la République : « L’impérialisme – sous toutes ses formes – ensauvage l’indigène : à l’internationale gay, les sociétés du Sud répondent par une sécrétion de haine contre les homosexuels. » Quant aux quartiers populaires, ils « répondent à l’homoracialisme par un virilisme identitaire et… toujours plus d’homophobie ». Dénominateur commun, « une résistance farouche à l’impérialisme occidental et blanc ».

Ces propos condescendants, qui méritaient sans doute de tomber dans l’oubli, semblent hélas devenus la ligne officielle des Insoumis. Toute critique de l’homophobie d’inspiration islamiste semble aujourd’hui interdite en interne. Les musulmans sont devenus l’électorat cible de LFI, parti qui se veut pourtant centre de gravité d’une gauche qui se prétend pourtant à la pointe de la lutte contre les discriminations. Ses ténors se trouvent ainsi conduits à d’étranges contorsions. Pas question d’assumer ouvertement l’homophobie, mais pas question de la dénoncer dans les banlieues, et encore moins de prendre du recul par rapport aux dogmes religieux.

C’est ainsi que des figures des droits des LGBT, Sasha Yaropolskaya et Mimi Aum Neko, engagées au sein du parti trotskiste Révolution permanente, ont défendu Amal Bentounsi, visée d’après elles par des « attaques d’extrême droite et macronistes reprises exprès par la gauche coloniale socio-traître ».

Quand « les dindes votent pour Noël »

La députée Mathilde Panot, embarrassée face au mail de Sophia Chikirou, avait fini par reconnaître du bout des lèvres leur « connotation homophobe », sans pour autant blâmer sa collègue. David Guiraud, député du Nord, a fait preuve lui aussi de mansuétude en 2022 à l’égard de sa suppléante, Shéhérazade Bentorki. Elle avait annoncé en 2013 son départ du Parti socialiste afin de protester contre le mariage pour tous (elle affirme avoir changé d’avis depuis). Selon David Guiraud, on pouvait « être opposé au mariage pour tous en 2013 sans être homophobe ».

En 2020, trois agents de la RATP ont été menacés de licenciement pour avoir traité un autre chauffeur d’« enculé », de « sale pédé » et de « suceur de bites » lors d’une grève. Jean-Luc Mélenchon s’est rendu à un rassemblement de soutien aux insulteurs. « On n’est pas dans un salon de thé, a-t-il déclaré au micro de RTL. On est dans la lutte, pas dans un gala, quoi ! Vous voulez que je vous fasse la liste des injures que les Français manient tous les jours ? » Pas d’injure, juste un tic de langage… Une position qui rapproche Jean-Luc Mélenchon, paradoxalement, du youtubeur d’extrême droite Papacito…

« Que se serait-il passé si elle [Sophia Chikirou, NDLR] avait parlé de personnes noires en disant “ces Nègres de merde” ? », se demandait dans Le Parisien, le 18 juin, Julien Pontes, militant Insoumis et créateur de Rouge direct, un collectif qui lutte contre l’homophobie dans le foot. Il confiait au quotidien ses inquiétudes sur ce sujet concernant son parti. Comment défendre les droits des homosexuels tout en assimilant à du racisme la moindre réserve sur des archaïsmes culturels des sociétés d’origine des immigrés ?

La députée LFI Nadège Abomongoli a tranché. Selon elle, la lutte contre le racisme est au-dessus de la lutte contre l’homophobie et le sexisme. Dans des échanges sur les réseaux sociaux, en 2022, elle avait demandé à sa collègue EELV Sandrine Rousseau d’effacer un message qui plaçait les trois combats sur le même plan… Sandrine Rousseau avait obtempéré.

Chez les associations LGBT, très majoritairement classées à gauche, c’est l’embarras. Exception, Fiertés citoyennes. Ce collectif universaliste a déchaîné l’ire des autres associations en traitant de « dindes qui votent pour Noël » les LGBT soutiens du Hamas, dans une tribune publiée par Marianne en octobre 2023. Son président, Arnaud Abel, exprime ses « inquiétudes sur la sincérité des engagements de certains partis et, en particulier, de La France insoumise. La fin ne justifie pas les moyens : la complaisance que l’on observe régulièrement avec l’expression d’une homophobie non moins condamnable, au sein même de ce parti ou à travers les voix de certains de ses soutiens, devient intolérable. Le silence gêné de nombreux militants appartenant à cette famille politique est d’autant plus critiquable que cette dernière a érigé le combat en faveur des minorités comme sa priorité ». Après la laïcité et la lutte contre l’antisémitisme, c’est au tour de la lutte contre l’homophobie de devenir un combat secondaire à gauche. Drôle d’époque.

Pendant ce temps-là, à l’extrême droite…

Dans la nuit qui a suivi l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, quatre jeunes hommes ont été interpellés après une agression à caractère homophobe à Paris. Parmi eux, le leader du GUD Paris, Gabriel Loustau, fils d’un ancien cadre du Rassemblement national. Lors de la garde à vue du commando, l’un des membres a déclaré : « Vivement dans trois semaines, on pourra casser du pédé autant qu’on veut. »"


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales