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Nous avons appris le décès du créateur de génie Paco Rabanne le 3 février dans le quotidien Le Télégramme [1]. Né Francisco Rabaneda y Cuervo en Espagne, le grand couturier s’est éteint à Portsall dans le Finistère à l’âge de 88 ans et a été incinéré lundi dernier. 

La chanson éponyme composée et interprétée par David Bowie et John Lennon accompagne la pub de Fame [2], le dernier parfum féminin de Paco Rabanne au flacon habillé des codes emblématiques du créateur, la petite robe portée par Françoise Hardy en plaques d’or incrustées de diamants comme si l’avant-garde avait définitivement trouvé son époque.

Une campagne de pub qui à travers la beauté cherche à donner envie, à la différence des pubs wokistes qui au nom d’une morale néo puritaine nous enjoignent d’aimer ceci ou de vivre comme ça. Sortie en 1975, la chanson Fame rencontre un grand succès aux États-Unis. Certifié disque d’or deux mois après sa sortie : c’est la première chanson de Bowie à atteindre la première place du Billboard Hot 100. 

C’est en 1965 que Paco Rabanne organise son premier défilé provocateur à Paris. Douze robes importables. Matériaux contemporains et rigides. Gabrielle Chanel, le surnomme le "métallo de la mode". Ne jamais dire du mal de ceux qu’on n’aime pas. L’insulte sera le piédestal de sa célébrité.

Véritable précurseur, Paco Rabanne rejoint néanmoins le tandem tout aussi créatif et novateur formé par André Courrèges et Pierre Cardin. Architecte de formation, il raisonne en termes d’espace et de volume, et imagine des vêtements avec des matériaux tel que le métal, le rhodoïd, mais aussi le béton et le papier. Paco Rabanne pince, assemble et soude plus qu’il ne cout. Ses créations sont visibles dans des films tels que Deux ou trois choses que je sais d’elle de Jean-Luc Godard ou Les Aventuriers de Robert Enrico. Il habillera Brigitte Bardot, Françoise Hardy ou encore Jane fonda dans le film Barbarella. Toutes perçues en "déesses bagarreuses et dominatrices". Il crée aussi les « Rob’auto », une collection limitée de prêt-à-porter destinée à la conduite automobile.

Ses prophéties ont contribué à affirmer son image de visionnaire excentrique. "Dans la vie passée, j’étais curé", confessait-il, mais il s’est aussi réincarné en grand prêtre à Thèbes durant l’assassinat du pharaon Toutankhamon. En 1993, dans une émission de Radio Courtoisie, il expliquait être venu au monde il y a 78 000 ans. Il s’était confié à sa grand-mère sur ses voyages astraux entamés dès l’âge de sept ans. Il assurait aussi être "médium" et témoin de visites de Jésus.

Apprécié pour son langage franc, moqué pour ses sorties incongrues, en 1999, il a déclaré sur le plateau de Thierry Ardisson que « Paris allait être détruite le 11 août de la même année à la suite de la chute de la station spatiale soviétique Mir durant une éclipse » [3]. Cette annihilation de la capitale française "est programmée dans toutes les prophéties", disait-il, racontant sa vision de Paris en flamme alors qu’il avait 17 ans. Se voulant rassurant il clamait que la fin du monde n’était prévue que dans "cinq milliards d’années quand le soleil va devenir une géante rouge".

Depuis, Paris est devenue la capitale des rats, de la saleté et des embouteillages organisés, mais aussi de la disparition des places de stationnement au détriment du petit commerce, et enfin de l’extinction des lumières de celle qu’on appelait autrefois la "Ville Lumière". Paco avait donc bien pressenti le malheur soviétique qui s’abattrait sur la capitale.

L’été 2008, je m’envolais pour le mariage de mes amis Kirsten et Fabrice à Chicago, grande ville moderne à la skyline parfaite où l’on respire un air de liberté, et pas seulement à cause du vent de la windy city – pour être exacte l’enterrement de vie de garçon a eu lieu dans les bars de Chicago aux pieds des buildings, mais la répétition du mariage et le mariage lui-même célébré par le pasteur, père de la mariée, juge et Républicain, eurent lieu à Oak Park, une ville de la banlieue ouest, sans gratte-ciels, dans l’État de l’Illinois.

Durant le vol retour, client captif, j’ai acheté ce beau lingot d’or qu’avait fait miroiter l’hôtesse, le One million de Paco Rabanne. Dans les deux années qui ont suivi, 20 millions de flacons de One Million seront écoulés. 

Mélange d’avant-gardisme, de provocation et de succès commercial, preuve d’un instinct en phase avec le peuple, Paco Rabanne savait.

Fame (fame) makes a man take things over
Fame (fame) lets him lose hard to swallow
Fame (fame) puts you there where things are hollow

Un hommage de la maison Paco Rabanne aura lieu le 1er mars dans le cadre de la Paris Fashion week.

Thierry Martin
auteur de
BoJo, un punk au 10 Downing Street,
Amazon, 2022, 312 p., 14,98 €.